1/ L'agriculture européenne risque-t-elle d'être sacrifiée?
Une partie entrait déjà dans l’UE avec des droits de douanes réduits à 20 % dans le cadre des quotas Hilton (60 000 tonnes) et de l’utilisation par l’Argentine et l’Uruguay d’une partie des quotas concédés devant l’OMC par l’Europe pour mettre fin à sa dispute avec les Etats-Unis sur le bœuf aux hormones. Résultat : à écouter la Commission, les quantités concernées par les quotas n’augmenteraient quasi pas avec l’accord mais seraient seulement moins taxées. Et ils concernent surtout les viandes haut de gamme plus que les zébus brésiliens. "Lorsque l’Argentine et l’Uruguay ont pu accéder aux "quotas hormone", leurs producteurs n’en ont pas profité pour baisser les prix mais pour augmenter leurs marges sur leurs produits haut de gamme", assure la Commission.
2/ Qu’ont à y gagner les industriels européens ?
Beaucoup, mais cela prendra du temps. L’accord ne pose guère de problème dans le secteur industriel du point de vue européen car le poids de l’industrie tourne très largement à l’avantage de l’UE. Le grand gagnant devrait être le secteur automobile européen. Les droits de douane sur les véhicules particuliers devraient passer de 35 % à 0 %, mais seulement au bout d’une période de quinze ans.
Autre point âprement discuté avec le Mercosur : les droits de douane sur les pièces détachées automobiles (de 14 à 18 %) seront supprimés d’ici dix ans. Au Brésil et en Argentine, où l’industrie conserve sa compétitivité grâce aux barrières protectionnistes mises en place, l’accord fait grincer des dents. La pharmacie, la chimie - pour lesquelles l’Europe a des intérêts offensifs importants - mais aussi le textile européen devraient aussi profiter d’une suppression des droits de douane. Dans le sens inverse, l’Europe a accepté de supprimer la totalité de ses droits de douane sur les biens industriels sur une période de dix ans.
3/ Va-t-on respecter les normes européennes ?
Oui. Le sujet est toujours sensible. Surtout alors que le Brésil vient d’autoriser l’utilisation de 230 nouveaux pesticides. Mais aucun produit agricole ne devrait entrer sur le marché du Vieux Continent s’il ne respecte pas les normes phytosanitaires ou sanitaires européennes. En clair : seuls les pesticides autorisés en Europe peuvent être utilisés pour les produits importés vers l’UE. Contrairement aux anciens accords de libre-échange, les normes phytosanitaires ne seront pas figées à la date de signature de l’accord. L’UE pourra allonger la liste des produits interdits, y compris en application du principe de précaution et sans preuve scientifique de leur nocivité. Ces nouvelles règles s’appliqueront immédiatement aux exportateurs du Mercosur, qui voient d’un mauvais œil la mesure. La Commission européenne se félicite aussi d’avoir imposé ses normes industrielles comme standard commun.
4/ Est-ce un coup de canif dans l’accord de Paris ?
L’ancien ministre Nicolas Hulot a été l’un des premiers à monter au créneau. Signer de nouveaux accords pour accroître les échanges commerciaux est-il compatible avec la lutte contre le changement climatique et la nécessité de réduire les émissions de CO2 ? Le débat ne peut pas être évacué d’un revers de la main. Les écologistes pointent aussi le risque d’accroître la déforestation de l’Amazonie, à rebours des engagements de l’accord de Paris, alors que le gouvernement brésilien mène une politique controversée en la matière.
Du côté de la Commission comme du gouvernement français, on souligne à l’inverse que l’accord d’association conforte la mise en œuvre de l’accord de Paris dans les quatre pays latino-américains. Alors que les engagements pris par le Brésil dans l’accord de Paris sont volontaires, le pays s’est engagé dans son accord commercial avec l’UE à "mettre en œuvre effectivement" ses engagements. Si un panel d’experts concluait que la promesse n’est pas tenue, l’UE pourrait suspendre les préférences tarifaires qu’elle accorde aux exportateurs brésiliens par exemple. La menace est certes théorique. "L’Europe n’est pas une grande puissance militaire, ce n’est pas avec son armée qu’elle peut influencer les autres pays mais elle a du levier lorsqu’elle utilise le commerce", pointe-on à Bruxelles. Pour preuve : la confirmation du soutien du Brésil à l’accord de Paris, malgré l’intense lobbying des Etats-Unis lors du G20 d’Osaka.
5/ L’accord va-t-il être rapidement mis en œuvre ?
L’accord UE-Mercosur n’est a priori pas pour demain. Les négociateurs doivent encore finaliser juridiquement le texte signé à l’arraché vendredi dernier. Ce qui implique de longues semaines d’aller-retour entre les quatre membres du Mercosur et Bruxelles, et explique que seule une version résumée du texte ait été publiée. Il faudra ensuite le traduire dans toutes les langues de l’Union. Bruxelles estime que le processus de ratification ne devrait pas être achevé avant deux à trois ans au mieux. Et rien ne dit qu’il aille au bout. Parce qu’il ne couvre pas que les questions commerciales mais va au-delà (services, normes sanitaires…), l’accord d’association est mixte et doit donc à ce titre être ratifié par le Conseil et le Parlement européen ainsi que par les 27 parlements nationaux. Un seul véto et tout l’accord sera jeté à la poubelle.