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Knock on Wood

politique industrielle et sortie de route : cas pratique Carlos Ghosn

20 Janvier 2019 , Rédigé par Ipsus Publié dans #Dans L'AIR DU TEMPS, #GEOPOLITIQUE, #Finances -TAUX -Emprunts, #Réformes - Relance et Elections

 A 17 ans, le jeune Carlos Ghosn arrive à Paris et pose ses valises au Lycée Stanislas où il suit une classe préparatoire scientifique. A sa sortie de prépa, il enfonce les portes des plus prestigieuses écoles d'ingénieurs de l'Hexagone. Diplômé de l'Ecole Polytechnique en 1974 et de l'Ecole des Mines, quatre ans plus tard, il devient une recrue idéale pour les industriels.

 Après un poste de directeur des activités de Michelin en Amérique du Sud, il devient PDG de Michelin Amérique du Nord en 1989. Un an plus tard, il fera de l'entreprise le leader mondial du pneu en pilotant le rachat du concurrent américain Uniroyal Goodrich.

 

Le "cost killer" de Renault

En 1996, après 18 années passées au sein du groupe, Carlos Ghosn quitte Michelin. Il devient directeur général adjoint de Renault , alors en grandes difficultés financières. Patron ambitieux, Carlos Ghosn se lance le défi de redresser le constructeur. Ce sera chose faite en seulement deux ans.

politique industrielle et sortie de route : cas pratique Carlos Ghosn

 

https://t.co/3mVRg1pukC
 

cet article est interessant car c'est l'historique industriel et la mondialisation qui sont analysés loin des bouffoneries de la presse people :

selon l'âge des lecteurs on n'est plus à l'époque où il ne fallait pas " désespérer Billancourt "

 le contexte de la crise de 2008 et la suite font ressortir les vrais enjeux ; pour les bisounours Gohsn est un " cost killer " mais il n'était pas patron d'une ONG face aux autres constructeurs ;

c'est dommage qu'il ait fait " une sortie de route " car la politique industrielle de la France fut la grande oubliée de nos gouvernants et ce n'est pas avec l'Europe UE de Bruxelles qu'on sortira indemnes, quand on voit les bâtons dans les roues pour Alstom / Siemens .

parfois on se demande si ces technocrates roulent pour les americains ou les chinois comptant les points .

le GRAND DEBAT n'étant pas sur ces thémes ( en dehors des remunerations ) ils sont peu de personnalités d'envergure pour conduire le changement ( industriel )

Merkel est " has been" et les elections UE de mai 2019 ne resoudront pas toutes les incoherences face aux Lobbys et à l'obsession maladive des technocrates agitant le droit de la concurrence dés que 2 entreprises veulent cooperer :

c'est 1 miracle qu'on ait AIRBUS face à ces gens bornés et dogmatiques( UE )

CONCLUSION : s'il y avait de vrais contre pouvoirs et des contrôles appropriés de gouvernance , Gohsn aurait fini le job au lieu de se comporter comme un enfant gâté dont les parents ( conseil d administration,actionnaires ) sont restés beats sans le recadrer :

un vrai gâchi pour la collectivité ensuite car ce n'est pas de Bercy que devrait se decider la suite

Quand Carlos Ghosn débarque à Paris pour prendre le volant de Renault, au printemps 2005, le polytechnicien est auréolé de son grand succès - le sauvetage éclair de Nissan. Pour la première fois depuis la Libération, l'ex-Régie se retrouve avec un patron issu de ses rangs et non pas avec un parachuté choisi par l'Etat français, son actionnaire historique. Séduit par sa « vitalité », son « intensité » et son « intelligence », Louis Schweitzer l'avait recruté dans ce but, neuf ans plus tôt.

Chez Renault, le « cost killer » enfile un costume sur mesure : « président de la direction générale ». Son prédécesseur, lui, conserve la présidence du conseil d'administration« Carlos Ghosn aura bien l'entièreté des pouvoirs. Dans l'automobile, l'opérationnel et le stratégique sont inséparables », 

politique industrielle et sortie de route : cas pratique Carlos Ghosn

Quatorze ans plus tôt, les hiérarques du Losange n'auraient évidemment jamais imaginé une telle issue. Parfois méfiants, ils avaient vu arriver un dirigeant franco-libano-brésilien de cinquante et un ans, une rock star au Japon. Ne commençait-il pas ses grandes conférences de presse par un compte à rebours qui se déclenchait deux heures avant son arrivée ? Eux, ils le connaissaient d'avant, de son court et brillant passage à la Régie, entre 1996 et 1999. En tant que directeur général adjoint, l'ancien Michelin avait été embauché pour mettre les comptes au carré.

 

Son premier réflexe ? Durcir très fortement un plan d'économie décidé avant son embauche. Avec lui, ce ne sera pas une baisse de 3.000 francs du coût de fabrication d'une voiture, mais de plus de 8.000 francs. Ni une ni deux, il tranche dans le vif et propose de fermer trois usines à Louis Schweitzer. Ce dernier consentira seulement à sacrifier Vilvorde, en Belgique. Trop, déjà, pour Jacques Chirac, qui pique une grosse colère. Qu'importe. Chez Renault, le petit nouveau a déjà laissé sa marque.

A son retour en fanfare six ans plus tard, les affaires roulent bien mieux pour Renault. « La direction sortante était assez fière d'elle », se souvient Patrick Pélata, l'ancien bras droit du patron. La réalité n'est pas si rose. Les directions design et produits ne se parlent pas, aucun nouveau modèle n'est prévu pour le millésime 2006. Carlos Ghosn se met aussitôt en branle et applique le long de la Seine ses méthodes peaufinées à l'ombre du mont Fuji - non sans éclaboussures. « Renault n'était pas en crise comme Nissan l'était, donc ça résistait dès qu'on voulait faire de vrais changements », se souvient Patrick Pélata.

Désireux de casser les baronnies, le nouveau boss relance ses groupes transverses, ces groupes pluridisciplinaires travaillant hors hiérarchie. « Il prenait des mimolettes de trente-cinq-quarante ans comme moi, et nous donnait une mission de quelques mois sur un sujet bien précis »,racontait l'an dernier Didier Leroy, aujourd'hui numéro 2 de Toyota.

« L'application réussie d'un plan, c'est 5 % de stratégie, et 95 % d'exécution », martèle régulièrement Ghosn à ses cadres. « Il y avait une culture de la parole qui progressait au fur et à mesure que l'on montait dans la hiérarchie. On pouvait presque parler d'un snobisme de la connaissance », se lamentait-il dans une autobiographie parue en 2003. Fidèle à une autre recette nippone et pour privilégier l'action aux palabres, Carlos Ghosn fixe à chaque salarié ou presque des engagements individuels fondés sur des critères mesurables. Technique qui ne sera pas sans conséquences, comme on le verra plus tard.

En attendant, le héros de manga dévoile « Contrat 2009 », un fort ambitieux plan stratégique. Trois volets : multiplier la rentabilité par deux fois demie en quatre ans, vendre 800.000 voitures supplémentaires par an, redresser la qualité des modèles. Las ! La conjoncture exécrable du marché européen, suivie de la crise des subprimes, bat en brèche toutes les prévisions. Les ventes du Losange déclinent au lieu de grimper, le lancement de plusieurs modèles clefs est repoussé. « Les objectifs n'étaient pas tenables. Etrangement, ce qui a été le mieux réussi était le plus compliqué et le plus sensible : la qualité », juge a posteriori un acteur de l'époque.

Plus que la cible, c'est la méthode qui pose parfois problème. « Avant de partir chez Nissan, Carlos était un manager exceptionnel, qui vous fixait des objectifs très élevés mais qui vous aidait vraiment. A son retour chez Renault, il était beaucoup moins accessible. Comme il était en plus assez froid, même dans un cadre détendu et en petit comité, ce n'était pas très enthousiasmant »,estime un ancien cadre du groupe.

Rapidement, le stress général monte d'un cran. La pression culminera au Technocentre de Guyancourt, le coeur de l'ingénierie et du design, qui connaît une vague de suicides en 2008. « La presse ne nous a pas loupés. Il y avait des Khmers rouges. Cette crise a créé une fêlure dans l'entreprise, entre les 'ghosniens' et les autres. Le fossé s'est agrandi depuis », pointe un ex-dirigeant du constructeur. A la machine à café, on appelle les pro-Ghosn des « GAD » - pour « Ghosn a dit ». Ambiance.

Déjà, la double casquette de Carlos Ghosn pose question. En 2002, l'homme avait expliqué à son prédécesseur que, bien sûr, il ne pourrait diriger Renault en sus de Nissan. Mais un mois avant son retour chez Renault, il appelle son président du conseil pour lui dire qu'il n'a pas trouvé de successeur chez Nissan. « Il expliquait aussi que faire les deux, c'était sa manière de rapprocher les groupes. Manifestement, la tactique n'a pas très bien marché », tacle un industriel. Le premier concerné s'agaçait d'ailleurs bien vite quand on mettait le sujet sur la table. « Pourtant, cela ne fonctionnait pas. Il n'avait pas le temps de venir sur le terrain, on lui racontait des cracks. » Orphelin de son patron, Renault ? « Quoi qu'il en soit, gérer ces deux constructeurs en même temps, puis plus tard AvtoVAZ et Mitsubishi, c'est un truc de fou », lance un ancien.

Au four et au moulin, partout et nulle part, enchaînant les décollages et les atterrissages entre Tokyo, Paris, Beyrouth, Rio, Davos et New York, Carlos Ghosn voit cependant poindre comme personne la grande crise financière de 2008. Alerté par Jérôme Stoll, qui voyait l'ouragan arriver depuis son poste en Amérique, il décide avec Patrick Pélata de prendre le taureau par les cornes et de supprimer 6.000 postes en Europe. Maurice Lévy, l'ex-patron de Publicis, par ailleurs l'un de ses proches, lui reproche d'ailleurs publiquement d'aider à susciter la crise en l'anticipant. Si le contrat social de crise passé avec les syndicats maison, et l'aide financière obtenue auprès de l'Etat mettent de l'huile dans les finances, cette action précoce permit à Renault de limiter la casse.

Mieux, c'est en 2009, au beau milieu de la pire crise que l'automobile ait jamais connue, que Carlos Ghosn décide de se lancer dans la voiture électrique. Une offensive dans laquelle il injectera des milliards, seul contre tous. Sûr, les modèles 100 % électriques « représenteront 10 % du marché auto mondial à l'horizon 2020 », lance-t-il à l'envi. La prévision ne se vérifiera pas, mais le groupe est aujourd'hui le leader européen de la chose.

A croire l'un de ses fidèles, sa motivation initiale n'est pas forcément écologique. 

« Son but, c'est de pouvoir dire que Renault-Nissan a fait l'électrique comme Toyota a fait l'hybride. »

 

C'est à ce moment-là qu'il est dans l'oeil des Américains. Courant 2009, l'administration Obama l'approche pour sauver General Motors. Bill Ford le contacte également. Les deux groupes lui proposent des ponts d'or. L'affaire ne se fait pas, mais elle semble marquer le principal intéressé. « Si j'ai choisi de ne pas sauter sur ces occasions, j'ai gardé en tête le niveau de rémunération du marché pour mon rôle »,racontait il y a deux semaines Carlos Ghosn lui-même, devant ses juges japonais. 

Sans doute cet épisode a-t-il joué un rôle dans les largesses financières qu'il aurait pu s'octroyer ensuite chez Nissan ou au sein des structures hollandaises de l'Alliance.

Resté à-mi chemin entre la France et le Japon, Carlos Ghosn voit Louis Schweitzer se retirer en mai 2009. La faste période de « Renault, les voitures à vivre » s'achève. De plus en plus contesté, l'ex-roi du design Patrick Le Quément quitte le groupe. Pour ne pas réitérer les retentissants échecs du passé (les flops Vel Satis ou Modus), Carlos Ghosn donne carte blanche à un nouveau venu, le Néerlandais Laurens van den Acker. Comme il l'avait fait chez Nissan avec l'inconnu Shiro Nakamura.

Pour l'essentiel, Carlos Ghosn aura plutôt préservé l'héritage de Louis Schweitzer.

La Logan, véhicule très abordable, si décrié à ses débuts dans la maison, est devenue une gamme complète sous l'ombrelle Dacia. 

La Russie, une contrée déjà prisée par son prédécesseur, devient un vrai terrain de jeu avec l'entrée en 2008 au capital de Lada, devenue l'an dernier une filiale à 100 %. 

« Il a su bâtir une relation de confiance avec Vladimir Poutine »,souffle un proche, inquiet pour l'avenir de cette entité sans Carlos Ghosn.

Surtout, Ghosn-san parachève l'oeuvre de Louis Schweitzer en faisant de la Régie un groupe mondialisé, versé dans les lointaines contrées comme le Brésil, l'Inde, le Maghreb ou le Mexique. Avec lui, les réunions se font en anglais. Il faut dire que Carlos Ghosn, plus à l'aise hors des arcanes de l'Hexagone, peine à s'insérer dans la classe politico-industrielle française. « Il a vraiment internationalisé, diversifié et féminisé l'encadrement du groupe », relève Patrick Pélata. 

« Renault n'est plus un constructeur français ! » clamait Carlos Ghosn dans le « Financial Times » dès 2010. »

Et puis il y a bien sûr l'approfondissement du partenariat avec Nissan, le chef d'oeuvre de son prédécesseur. « Cela a apporté à Renault de grandes économies d'échelle, et ils ont beaucoup appris des Japonais sur la fabrication et la R&D. Mais comme Carlos Ghosn ne voulait surtout pas faire d'arbitrage en défaveur de l'un ou de l'autre, cela a limité l'approfondissement de l'Alliance. Et insufflé le sentiment actuel que Renault est progressivement noyé par Nissan au niveau de l'ingénierie », souffle un concurrent.

Au fil de l'eau, la performance a en effet changé de camp. Si Renault était en meilleure posture que Nissan en 1999, c'est loin d'être le cas vingt ans plus tard. Au fil des exercices, les bénéfices annuels du Losange sont de plus en plus gonflés par la contribution financière de son partenaire. Idem pour le rapport de force en termes de capitalisation boursière : le japonais pèse deux fois plus lourd que le fabricant des Mégane. Niveau industriel, ce n'est pas beaucoup mieux. « Quand Nissan produit 500.000 véhicules par an dans son usine britannique (Sunderland), Renault en produit autant dans ces cinq grands sites français », soulignait un ancien DRH de Renault, en 2012.

En revanche, le Renault d'aujourd'hui est plus gros que la Régie d'antan. En quatorze ans de règne, les ventes du Losange sans Nissan sont passées de 2,5 millions d'unités à presque 4 millions. L'effet Dacia, d'abord. Surtout, l'assise commerciale de Renault ne dépend plus que du Vieux Continent. « Depuis deux ans, notre dynamique financière est largement meilleure que celle de nos amis de Nissan »,remarque aussi un cadre du groupe.

 Carlos Ghosn a toujours eu une dent contre ses numéros 2. Le remplaçant de Patrick Pélata, Carlos Tavares, sera lui aussi débarqué deux ans plus tard, après avoir martelé publiquement son envie de devenir un jour calife à la place du calife. « Tous les hommes ont besoin de s'épanouir. C'est pour ça que je suis parti. Le problème, c'était le manque de visibilité. Chez Renault, la voie n'était pas tracée », nous racontait, il y a deux ans, l'actuel patron de PSA. « Ici, on change souvent de numéro 2, Carlos Ghosn avait autour de lui une gouvernance et une direction confortable », sourit un syndicaliste. « En fait, il ne supportait pas l'idée d'avoir quelqu'un qui puisse lui faire de l'ombre. Dès que Tavares levait la tête, il lui tapait dessus », s'amuse un ancien haut dirigeant du groupe.

L'épouvantail de l'Etat

Gouvernance, succession : c'est le cocktail qui a fait exploser plus d'une fois les responsables politiques hexagonaux.

Carlos Ghosn exècre la présence de l'Etat dans son capital, même tombée à 15 %. « Pour lui, c'était une souffrance active », confie un grand patron.

Profitant de la vacance du pouvoir entre Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, Carlos Ghosn tente vainement de racheter les parts de l'Etat. L'ancien maire de Paris lui avait pourtant expressément fermé la porte, et son successeur mettra un terme à la manoeuvre avant même d'habiter à l'Elysée. Ce coup de bluff, il le retentera entre Nicolas Sarkozy et François Hollande. Avec le même résultat.

Alors forcément, quelle que soit la couleur politique de ses interlocuteurs, cela se passe mal. D'autant que « M. Ghosn » ne voulait pas perdre son temps à parler aux ministres, voire aux Premiers ministres. Son niveau, c'était plutôt l'Elysée. « Sa relation avec l'Etat, c'était le cadet de ses soucis. Il avait une attitude exécrable », confirme Michel Sapin. Ce dernier chapeautait à Bercy l'Agence des participations de l'Etat en 2016, lors du passage en force de Carlos Ghosn à propos de son salaire. Ou l'année précédente, lors de la renégociation du contrat liant Renault et Nissan après la crise des droits de vote double. « C'était la seule entreprise du CAC 40 à refuser d'appliquer la loi Florange, à la fureur d'Emmanuel Macron ! » rappelle l'ancien ministre des Finances, dénonçant un conseil d'administration « complètement à la botte » du dirigeant.

De fait, le conseil de Renault n'a jamais vraiment cherché à savoir ce qui se passait chez Nissan - pourtant contrôlé à 43,4 %. Pis (ou mieux, selon les points de vue), en expliquant que la montée de l'Etat au capital de Renault avait jeté le trouble au Japon, Carlos Ghosn obtient de l'Etat qu'il ne se mêle plus des affaires courantes chez Renault - tandis que l'ex-Régie relâchait l'étreinte sur Nissan. « Depuis, Renault ne peut plus voter en AG contre les résolutions du conseil de Nissan, où il n'a pas le contrôle. C'est un scandale qui résulte d'une négociation entre Ghosn et Ghosn », s'insurge un grand industriel proche du pouvoir.

Dans le même genre, il met Renault devant le fait accompli quand il annonce le rachat de Mitsubishi par Nissan, déséquilibrant pour de bon l'Alliance au profit des Japonais. Quelque temps après son arrivée aux manettes de Renault, il avait d'ailleurs vendu la participation dans Volvo, qui devait, dans la tête de Louis Schweitzer, permettre au groupe français de combler son retard sur Nissan.

Ces faits et gestes, Emmanuel Macron semble se les rappeler.

A son époque Bercy, le président avait tancé Carlos Ghosn dans une interview fracassante aux « Echos », en 2015  : 

« Il est PDG, pas actionnaire ! » 

Plus récemment, en marge du Mondial de Paris en octobre, l'Elysée avait convié les patrons de l'automobile à souper. Carlos Tavares était assis juste à côté du président. Crime de lèse-majesté, l'autre Carlos était relégué quelques places plus loin. Et quand ce dernier évoque le coût du travail en France, Emmanuel Macron le renvoie aussitôt dans ses 22 en pointant du doigt son salaire.

Pour autant, Carlos Ghosn a toujours sauvé sa peau malgré l'ire des politiques. Il avait su les convaincre que, sans lui, l'Alliance Renault-Nissan s'effondrerait.

 « Il a construit cet ensemble à sa main, remarque Yves Dubreil, l'inventeur de la Twingo. Cela ne sera pas facile pour un autre de gérer tout ça. »

Depuis le rachat de Mitsubishi par Nissan, Carlos Ghosn est fort pris de l'autre côté du monde.

Mais à Paris, l'Etat s'inquiète de la suite. Que se passera-t-il quand Carlos Ghosn partira à la retraite ? Aux yeux de tous, il faut qu'il fasse le ménage dans l'Alliance avant de partir, qu'il la rende « indétricotable ». 

C'est la raison pour laquelle le dirigeant obtient une prolongation de son mandat de PDG en début d'année dernière. Son règne avorté ne lui laissera pas le temps de concrétiser la mission.

A l'inverse, avec l'apport de Mitsubishi, le roi Carlos réussit à arracher in extremis la couronne de numéro 1 mondial de la voiture pour sa grande Alliance - son leitmotiv des dernières années.

 « Ce n'est un secret pour personne, Carlos est plutôt avide de statut et de reconnaissance », pointe quelqu'un qui l'a longtemps pratiqué.

Il y a quelques années, pressé de retrouver son avion à Londres, il avait demandé une escorte policière pour déjouer les bouchons. « No », répondirent les autorités locales, à sa grande colère. Finalement, Carlos Ghosn aura l'occasion de se faire accompagner - plus d'une fois - par des policiers quelques années plus tard, au Japon.

Julien Dupont-Calbo 
Denis Fainsilber
@jdupontcalbo

L'industrie française et ses représentants sont aux abonnés absents, l'État a disparu ...

La mutation de l'industrie de l'automobile à travers la mondialisation des échanges a conduit un certain nombre de visionnaires à orienter les investissements colossaux de production des véhicules pour satisfaire le plus grand nombre possible de consommateurs.

Parmi ces hommes, la France a eu le bonheur d'en connaître un, Carlos Ghosn, et sans doute un deuxième, Carlos Tavares. Ne gonflons pas trop le torse, il y a eu aussi beaucoup d'Allemands et de Japonais, mais on peut dire qu'après bien des années sombres on a vu revenir des hommes de la trempe des Renault, Citroën, Peugeot et autres Berliet.

Parlons donc de Carlos Ghosn qui a transformé une société issue de la sphère publique française en une société mondiale, organisatrice d'une alliance franco-japonaise avec des ramifications en Roumanie devenue le premier producteur de véhicules mondial avec plus de 10 millions d'unités par an. Il a saisi au bon moment le deuxième fabricant japonais Nissan en pleine déconfiture. Devenu son dirigeant, il l'a redressé, tandis qu'il maintenait les intérêts de Renault, premier actionnaire avec 43 %, pour ne pas dire propriétaire, et ainsi évitait de vexer l'empire nippon.

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