le Choc de 2006
Il s'avère que ce livre n'est plus en librairie et c'est dommage.
Pour celles et ceux qui n'ont pas eu l'avantage d'assister à une de ses conférences,voici une interview lors de la sortie de l'ouvrage et un lien:
http://www.cnam.fr/lipsor/lips/conferences/cv.php
Le Choc Démographique de 2006 est déjà là.
Les Echos Vendredi 28 et Samedi 29 novembre 2003
Propos recueillis par Erik Izraelewicz
Comme chaque année, Marc Ladreit de la Lacharrière, Président de Fimalac et Président du jury , a remis, samedi 15 novembre, à Paris, au palais du Luxembourg, et en présence du président du Sénat, Christian Poncelet, le prix du livre d’économie.
Le lauréat 2003 est Michel Godet pour son livre “ Le choc de 2006 ” publié aux Editions Odile Jacob.
Nous revenons avec l’auteur sur quelques unes des thèses de son ouvrage.
Dans votre livre “ Le choc de 2006 ”, vous faites sur l’Europe et la France un diagnostic inquiétant lié à son vieillissement. Vous comparez l’Europe d’aujourd’hui au Japon d’il y a quinze ans, avec sa longue période de stagnation économique. N’est-ce pas excessif ?
Il y a quinze ans, en effet je dénonçais les “ japoniaiseries ” qui dominaient le management et j’annonçais la “ japanosclérose ” en raison de son vieillissement.
Contrairement aux Etats –Unis, l’Europe est frappée à son tour par la diminution de la population active.
En France, il faut bien comprendre qu’en 2006, pour la première fois depuis quarante ans, la population active va cesser d’augmenter, mais baisser durablement notamment dans sa partie la plus jeune : le nombre des 20-30 ans va se réduire de 800.000 d’ici à 2025.
C’est une bonne nouvelle pour les jeunes biens formés car les entreprise vont se les arracher, ils auront l’embarras du choix et devraient être aspirés par le marché du travail sans études supérieurs longues.
Le choc de 2006 est déjà annoncé pour les retraites. On a eu du mal à faire passer une première réforme qui ne suffira pas ; il en faudra d’autres plus douloureuses.
Heureusement tout n’est pas négatif dans le vieillissement par le haut : “ on vit jeune et bien portant de plus en plus vieux ”, et l’augmentation de l’espérance de vie est une bonne nouvelle.
C’est le vieillissement qui pose problème.
La relève n’est pas assurée quand trois actifs partent en retraite, il n’y a que deux jeunes pour les remplacer. C’est l’activité et la productivité des actifs qui créent la richesse.
C’est toute la dynamique des entrepreneuriale qui va être affectée : esprit de famille et esprit d’entreprise sont cousins. Quand on a trente ans et trois enfants, on est écessairement plus engagé dans une dynamique de projets qu’à 55 ans. D’ailleurs les deux tiers des créateurs ont entre 30 et 45 ans. Je tire donc la sonnette d’alarme pour l’Europe vieillissante, on risque d’avoir des cheveux gris et une croissance molle. L’Europe, c’est bien notre principal marché,absorbe 92% de ce que nous produisons. L’implosion démographique de nos voisins est une vraie menace pour notre pays, bien plus réelle que tout ce que j’entends sur la mondialisation. Historiquement par exemple, ce n’est pas un hasard si on a connu les Trente Glorieuses au moment du baby-boom. Il y a certainement un lien à long terme entre croissance économique et dynamique démographique mais les économistes refusent de le voir comme le relevait Sauvy. Il n’est de richesses que d’hommes éduqués et quand il y a moins d’hommes, il y a lieu de s’inquiéter : l’Italie pourrait ainsi perdre le tiers de sa population d’ici à 2050 et personne ne s’en émeut ! Dans la lignée d’Alfred Sauvy, vous considérez comme acquis le lien entre jeunesse démographique et croissance économique. Si l’on pense à l’Algérie par exemple, on constate que certains pays ont une démographie dynamique et une croissance molle ? Je parle des pays développés et d’hommes éduqués dans une société de confiance chère à Pierreffitte. Ces dernières conditions ne sont pas réunies en Algérie. Dans un verger, ce qui compte, c’est le nombre d’arbres bien plantés et productifs, on juge un arbre à ses fruits. Quand il n’y a plus de jeunes pousses plantées régulièrement pour assurer la relève, le verger meurt. Vous plaidez pour des politiques familiales, nataliste et volontariste. A – t-on l’assurance de leur efficacité ? Le seul pays d’Europe qui a conservé une certaine politique familiale, c’est la France. C’est justement en France aussi que la fécondité est la moins basse. Dans les pays d’Europe du Nord, entre 1987 et 1994, en Suède, en Norvège et en Finlande, on a observé une remontée de la fécondité à plus de 2,1. Ce n’était pas la conséquence d’une vague de froid, comme je le dis souvent pour faire sourire. Tout simplement on avait pris des mesures pour rendre compatibles le désir d’enfants et le travail féminin. Ces dispositions ont été remises en cause lorsque ces pays ont dû faire des économies budgétaires pour pouvoir rentrer dans l’Union européenne, le taux de fécondité est retombé. Soyons clair : on ne fait pas des enfants pour de l’argent mais on peut y renoncer pour des raisons économiques . Or je constate qu’aujourd’hui en France une femme sur deux voudrait un enfant de plus et y renonce justement pour de tels motifs. Il y a d’ailleurs actuellement une paupérisation des familles nombreuses : la gauche n’a rien fait pour les familles nombreuses, le plus souvent ouvrières (une sur deux dans les familles de quatre enfants). Celle –ci sont énormément désavantagées par rapport aux couples actifs sans enfants et guère mieux traitées que les familles monoparentales. Il y a d’ailleurs un véritable paradoxe entre la socialisation croissante de la vieillesse et la privatisation croissante de la jeunesse. Vous demandez à l’Etat d’être plus volontariste, d’ouvrir aussi les frontières pour surmonter la pénurie de main d’oeuvre qui menace ? Ma devise est “autant de marché que possible et autant d’état que nécessaire ”. Je pense donc qu’il faut plus de marché là où l’on en manque (comme dans l’éducation) et plus d’interventions publiques là où le marché fait défaut comme en urbanisme et en démographie.
Le choc de 2006 se traduira aussi par une pénurie de jeunes, de professionnels qualifiés. Il faudra donc ouvrir les frontières dans le cadre d’une politique généreuse et sélective, et intégrer, par l’école, ces jeunes venus d’ailleurs. Je propose d’ailleurs que l’on développe les bourses d’internat. Cela doit aller de pair avec une politique familiale active. A ce sujet, c’est effectivement la question du troisième enfant qui doit être traitée en priorité. Il pourrait y avoir aussi des idées plus originales comme le vote familial par exemple : le poids de ceux qui votent pourrait dépendre du nombre d’enfants et l’électeur. Le sous-titre de votre livre “ Pour une société de projets ” Pourquoi ? Par cette formule, je m’oppose radicalement à toute idée de projet de société. On a trop fait de crimes au XXème siècle au nom des “ projets de société ” pensés par quelques-uns soit disant dans l’intérêt de tous les autres ? du genre Führer, guide, petit père des peuples , etc… J’ai horreur des mots uniques. Je ne suis pas un intellectuel ; je préfère me présenter comme un homme d’action qui réfléchit. A Vendôme où j’habite, j’ai créé avec d’autres, il y a dix ans,l’Ismer, un institut de chômeurs entreprenants. Qu’a t-on constaté ? un, que le taux de survie des créateurs chômeurs est le même que celui des créateurs en général. Deux, que le simple fait, pour un chômeur de s’être mis avec un projet de création d’entreprise dans une dynamique entreprenante, cela le rend réemployable. Conclusion : il ne faut pas faire de l’insertion un problème social, il faut en faire une retombée sociale du développement économique. Il faut cesser d’assister les gens ; il faut faire avec et non plus faire pour. C’est cela ce que je veux signifier par une “ société de projet ”. Si chacun d’entre nous bouge là où il se trouve, c’est l’ensemble de la société qui bougera. Comment caractériseriez – vous votre approche ? Contrairement à la grande majorité de mes confrères, je suis un “ inductif ”. Dans le domaine de la recherche universitaire, 90% des thèses sont déductives. On prend une hypothèse intellectuelle, abstraite et on la confronte à la réalité quitte à tordre cette dernière pour la faire coller au modèle. Pour ma part, je regarde les choses et ensuite j’essaie de comprendre si la théorie permet de mieux les expliquer ou si cela remet en cause les théories existantes. Mon premier mémoire, en quatrième année d’économie, c’était “ le vide spirituel en économie ” et je partais dans le désert sur les pas du révérend père Voillaume …Aujourd’hui, jem’interroge. A quoi sert la production de biens si elle est de moins en moins porteuse de liens ? C’est en cela que je critique fortement les 35 heures : en réduisant le temps de travail,on a supprimé ces fameux temps morts qui étaient indispensables au lien social pour vivre : il faut des temps morts pour vivre ! Face à un problème, je le regarde tel qu’il m’apparaît avec bon sens sans me préoccuper de savoir si mon point de vue sera classé à gauche ou à droite. Certains me jugent de ce fait inclassable, je le prends comme un compliment : le bon sens se situe forcément ailleurs et autrement dans une société qui marche souvent sur la tête. http://www.knock-on-wood.net/categorie-544136.html