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Knock on Wood

Valeur de l'Offre

24 Octobre 2007 , Rédigé par Ipsus Publié dans #Bois et Pouvoir d'Achat

bodinat--ph2.jpgValeur de l'offre : une rentabilité forte et durable 
27 octobre 2004

par Henri de Bodinat, Senior Advisor Arthur D. Little

Comment l’optimisation de la valeur de l’offre permet de maximiser la rentabilité 

Les trois chemins de la rentabilité

Il existe trois modèles pour obtenir une profitabilité élevée.

Le premier est celui de la domination
Etre le seul ou le principal concurrent sur un marché, comme Microsoft sur les systèmes d’exploitation de PC, permet d’en extraire une rente. Même si la valeur délivrée au client est médiocre par rapport au prix demandé, le client est obligé d’acheter. La domination peut d’ailleurs être conjointe entre plusieurs concurrents comme dans l’industrie pétrolière ou la banque de détail. Elle peut être rendue possible par des protections juridiques, comme les brevets (pharma) ou les copyrights (musique).

Dans le modèle de la domination, l’entreprise va essayer d’écarter toute concurrence, soit par des attaques ciblées comme Microsoft, soit en obtenant du régulateur une protection prolongée, comme Air France, soit en gérant l’équilibre entre pressions du régulateur et niveau de marges, comme les opérateurs de mobile. Dans tous les cas l’objectif est la préservation de la rentabilité en maintenant la domination.

Quand les barrières à l’entrée sont suffisantes pour maintenir naturellement le monopole ou l’oligopole, l’entreprise cherchera à maximiser sa rentabilité, non en délivrant la meilleure valeur au client ou moindre coût mais en cherchant à en extraire le maximum de revenus tout en maîtrisant raisonnablement ses coûts, comme dans la banque.

Le deuxième modèle de rentabilité est la séduction
Dans la séduction, l’entreprise déconnecte la réalité du produit de la promesse faite pour le vendre. Elle peut promettre au client, ou faire pression sur lui, ou le faire rêver, pour le convaincre d’acheter. C’est la stratégie de Danone, qui capitalise sur la préoccupation santé des consommateurs en l’incorporant dans sa communication à défaut de l’intégrer réellement dans son offre (Actimel, Bio). C’est la stratégie de Citroën, produisant des voitures au design attractif, multipliant les introductions de nouveaux modèles, sans remédier à ses faiblesses sur la fiabilité ou le service des concessionnaires. C’est la stratégie d’Universal Music, surmarketant, grâce à la télévision, des produits musicalement quelconques, comme les albums de la Star Academy.

Il existe enfin un troisième modèle, plus robuste, pour atteindre une rentabilité élevée et durable : le modèle de la valeur
Une entreprise suivant cette stratégie se concentre sur l’optimisation de la valeur de son offre pour son marché. Elle attire des clients en leur offrant une valeur supérieure à un prix compétitif. Elle est intelligemment généreuse.

Ce modèle de la valeur, s’il est utilisé face à des entreprises pratiquant le modèle de la domination ou de la séduction, révèle toute sa puissance. C’est Toyota débarquant au pays de General Motors, Zara au pays d’Etam, ITunes au pays des majors du disque, Virgin Mobile au pays de British Telecom, ou Lidl au pays de Carrefour.


 

Le modèle de domination expose en effet l’entreprise au risque de désertion du client quand apparaît une offre plus pertinente, comme Microsoft face à Linux. Une entreprise que ses clients n’aiment pas est une entreprise menacée. Aux Etats-Unis, les low-costs ont fait apparaître en creux certains éléments insatisfaisants de l’offre des grandes compagnies aériennes, non seulement le prix, mais aussi la ponctualité, les délais d’enregistrement, la surréservation etc. D’où les difficultés des opérateurs historiques.

L’autre risque du modèle de la domination est l’intervention du régulateur, faisant pression sur les entreprises pour les forcer à réduire leurs marges pour introduire ou renforcer la concurrence, voire décidant de démanteler l’entreprise trop dominante, comme l’a été ATT ou comme pourrait l’être Microsoft..

Le modèle de séduction a lui aussi ses limites
L’entreprise est vulnérable au dévoilement de la réalité, soit par un usage décevant du produit, soit par l’irruption de concurrents axés sur la valeur. Ils nous ont fait rêver mais le produit ou le service est médiocre. Ils nous chouchoutent pour nous attirer, et nous abandonnent ensuite. Par exemple, ils nous ont dit que nous étions libres de nous désabonner, mais dans la pratique, ils font tout pour nous bloquer (Free).Quand la réalité balaie la promesse, suivent la déception, la déloyauté, le bouche-à-oreille négatif et la perte de part de marché à terme. Les ventes des disques de la Star Academy sont en chute car le public est lassé de se faire flouer.

Plus généralement, le modèle de « séduction » du client-pigeon risque de s’effriter avec la montée en puissance du consommateur averti, réfléchi, lucide, bien décidé à ne pas « se faire avoir », comparant systématiquement prix et prestations.

Le modèle de la valeur de l’offre

Ce modèle est le plus robuste mais aussi le plus difficile à mettre en oeuvre.

L’offre d’une entreprise est un paquet complexe d’attributs mélangeant produits physiques et services.
Une automobile, par exemple, c’est beaucoup plus qu’un châssis, un moteur, une carrosserie et un intérieur.
 C’est aussi le service de concessionnaires, la fiabilité, le coût d’entretien, la garantie etc.

Dans le modèle de valeur, l’entreprise est très performante sur tous les attributs importants pour le client. 
Les constructeurs automobiles japonais semblent ainsi avoir mieux compris que leurs concurrents que la fiabilité des véhicules et la qualité du service des concessionnaires sont des attributs aussi importants que l’attractivité du design ou la tenue de route.
Toyota a probablement un des meilleurs niveaux de service concessionnaire au monde.
 Résultat : les études JD Power classent régulièrement Toyota ou Honda loin devant les constructeurs européens pour la satisfaction d’utilisation.

L’entreprise doit valoriser en temps réel les attributs importants pour le client, mais aussi les produire à un coût minimum
L’hôtesse Ryanair nettoie l’avion car le client veut des avions propres et non des avions nettoyés par une société spécialisée.
 Les entreprise suivant ce modèle pilotent leurs coûts par la valeur client : elles taillent par exemple dans les attributs secondaires pour le client ou les dépenses sans effet sur la valeur de leur offre comme les frais de siège ou les dépenses marketing. 
Elles inventent parfois un processus nouveau permettant de fournir des attributs importants à un coût

faible, comme Dell l’a fait pour la customisation, Wal-Mart avec son système de réapprovisionnement piloté par ses fournisseurs, ou Ikéa en faisant monter ses meubles par ses clients.

La combinaison de ces deux éléments, maximisation de la valeur/ optimisation des coûts est indispensable au succès d’une stratégie de valeur de l’offre. C’est d’ailleurs la combinaison de ces deux éléments qui est à l’origine de la rentabilité exceptionnelle des entreprises mettant en oeuvre ce modèle : Toyota, BMW ou Nissan sont plus rentables que Volkswagen ou PSA, Zara ou Diesel plus que Naf Naf ou Etam. Southwest et Jet Blue beaucoup plus que Delta ou Air France, et Lidl et Wal-Mart plus qu’Auchan ou Casino.

Connaissance du client

Une connaissance précise des clients est une condition essentielle à la mise en oeuvre réussie du modèle de valeur.
 Elle permet de valoriser les attributs de l’offre et de prévoir le comportement d’un client face à un certain profil d’attributs.

Mais la nature et la valeur des attributs d’une offre sont mouvantes et difficiles à appréhender, même pour des entreprises jugées excellentes. 
IBM, il y a une quinzaine d’années et General Motors, ou Mac Donald plus récemment, ont trébuché faute d’avoir su diagnostiquer rapidement la dégradation de la valeur de leur offre face à une évolution du marché. 
Mac Donald n’avait pas compris que les attributs de goût et de santé, sur lesquels sa performance était médiocre, allait devenir importants non seulement pour quelques yuppies Californiens mais pour une majorité de la population américaine.

Trop souvent l’entreprise croit connaître le client sans le connaître réellement. 
Ou connaît le client d’hier et non celui d’aujourd’hui

La vision du client est filtrée à travers des études faussées par la nature des questions, le scénario des interviews, les méthodes statistiques de traitement. 
Comme le disait récemment le COO de General Motors, Bob Lutz : «"les consumer clinics" organisées par nos services marketing ne servent qu’à produire des voitures de consensus mou. Elles nous éloignent de nos clients… »

Cette méconnaissance du client, liée à de fausses certitudes ou à des études biaisées, peut conduire à l’échec des entreprises pourtant dotées de services marketing pléthoriques comme Mac Donald ou Coca-Cola. 
Elle conduit également à de faux diagnostics des problèmes vécus par l’entreprise. 
C’est ainsi qu’Unilever a récemment attribué son recul à un sous investissement marketing, ou que Nokia a cru trouver une solution miracle à sa baisse de part de marché avec des campagnes de publicité mondiales. 
Dans les deux cas, la racine du problème vient probablement d’une dégradation de la valeur de l’offre, mais la méconnaissance du client réel bloque tout diagnostic réaliste.

La connaissance des clients peut être intuitive, émaner du fondateur ou du dirigeant, comme pour Zara ou NRJ. 
Elle peut être consolidée par des méthodes en apparence hétérodoxes, comme celle de Michael Dell, remplaçant un jour par mois une employée de la hot line, celle du patron de Harley Davidson allant aux rassemblements Harley, ou comme les visites aux ménagères du président de Colgate.

Mais elle peut aussi être validée et approfondie par des méthodes rigoureuses. Alors qu’une technique comme l’analyse conjointe a une marge d’erreur de 300 %, il existe

des outils opérationnels beaucoup plus précis pouvant aider une entreprise à mettre en oeuvre une stratégie de valeur, comme par exemple la segmentation de l’offre, la hiérarchisation des attributs grâce au CAMM*, ou la synthèse graphique du positionnement. (Voir ci-dessous l’exemple simplifié et illustratif de Mac Donald aux Etats-Unis).

.

Un paradigme différent. 

Une entreprise utilisant le levier de la valeur de l’offre se différencie de plusieurs façons de ses concurrents.

Son cadre temporel est différent. 
Elle ne considère pas que la relation client se boucle avec la vente, mais au contraire que l’histoire commence à la vente. 
La clé du succès est la satisfaction à long terme du client, qui commande à la fois sa loyauté et un bouche-à-oreille positif. 
Un client loyal est un client qui ne coûte rien à recruter. 
Et le bouche-à-oreille, ou marketing viral, est la forme la plus efficace et la moins coûteuse de communication. Zara ne fait pas de publicité. Ses produits parlent.

L’entreprise suivant un modèle de valeur n’a d’ailleurs pas de « clients ». 
Elle a des « utilisateurs » de son produit ou de son service
qu’il importe de satisfaire en permanence. 
C’est ce que Michael Dell résume en disant « nous ne vendons pas des produits mais une « expérience client ».
 Ou ce que veut exprimer Harley-Davidson en disant « nous ne vendons pas des motos mais une "ownership experience" ».

Le modèle de valeur suppose une vision à long terme, une volonté farouche de satisfaire l’utilisateur, une conviction que la générosité procure des dividendes et que la pingrerie est destructrice. 
9 Télécom a bien compris que la liberté totale de sortir d’un abonnement accès Internet avait une vraie valeur pour le client et affirme sa supériorité sur Wanadoo ou Free sur cet attribut-clé.

Conclusion

Pourquoi une entreprise est-elle durablement rentable ? Quel est le secret d’Essilor ou de Toyota ? Pourquoi des entreprises en apparence en bonne santé basculent t’elles brutalement dans les pertes, comme Moulinex, IBM, Delta Airlines, Tati, ou Universal 

Music ? Et pourquoi des entreprises jeunes comme Swatch, Zara, NRJ, Ryanair, Diesel ou Lidl sont-elles nettement plus rentables que leurs concurrents historiques ?

Dans ces exemples, les succès s’expliquent par une volonté et une capacité à apporter en permanence de la valeur au client, avec lucidité, générosité, frugalité, et souplesse.

Les échecs viennent d’un enfermement dans la domination ou de séduction, ou d’une incapacité à comprendre réellement le client et son évolution.

C’est ainsi que Coca-Cola ou Microsoft, ces icônes du capitalisme américain, sont menacées si elles ne reviennent pas à une stratégie de valeur et si elles s’enferment, l’une la domination, l’autre dans la séduction.

A la différence des modèles de séduction ou de domination, la valeur de l’offre fait converger l’intérêt de l’entreprise et celui des clients, et donc l’efficacité et la moralité. 
D’où sa robustesse et sa durabilité.

*CAMM, ou Customer Attributes Management Method, méthode d’évaluation des attributs d’une offre reposant sur des interviews en profondeur de clients auxquels sont proposés des arbitrages simples, ce qui permet par chaînage de quantifier avec précision la valeur relative d’attributs à différents niveaux de qualité et de prévoir le comportement de l’utilisateur face à différentes offres.(Multi Attibutes Utility Theory)

Cet article est paru dans les Echos le 28 octobre 2004.

 

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