Que faire contre les rumeurs et les diffamations sur internet ?
Alerte, on nous descend sur le web !
http://www.lentreprise.com/3/5/5/article/12145.html
Une critique assassine d’un client mécontent, des rumeurs relayées par des blogueurs, la réputation d’une entreprise est vite ébranlée sur internet. Comment faire face à ces attaques d’un nouveau type.
Repérez les dérapages
Savez-vous si votre entreprise, vos produits, vos services... sont descendus sur le Net ? Non ? Dommage pour vous... Alors qu’il avait entré par curiosité le nom de sa société sur Yahoo, le patron d’une entreprise de syndics du sud de la France est tombé de sa chaise en découvrant sur le site d’une association de copropriétaires des commentaires gratinés sur ses activités : « Il ne faut pas s’étonner que les charges explosent... Monsieur X n’hésite pas à réclamer des honoraires exorbitants mais, sur le suivi des dossiers, il n’y a plus personne... » Et ces amabilités étaient en ligne depuis plus de deux ans. D’un seul coup, ce patron a compris pourquoi il peinait à renouveler son portefeuille de clients depuis plusieurs mois. Quelques réflexes simples auraient pourtant suffi pour limiter l’impact de ces attaques, à condition de les détecter rapidement.
1. Utilisez les moteurs de recherche. Que vous choisissiez Google, Yahoo, Altavista ou un autre, le principe est
le même : entrez le nom de votre entreprise, de son dirigeant, du produit ou du service... et regardez ce qui s’affiche.
2. Créez des alertes. Sur Google, allez sur la page « options ». Cliquez sur « alertes », vous n’aurez plus qu’à inscrire les mots-clés recherchés et préciser
la fréquence des alertes. Le résultat arrivera directement dans votre boîte e-mail.
3. Surveillez les blogs. Tout le contenu des blogs n’est pas répertorié dans les moteurs de recherche traditionnels. Il existe des moteurs spécialisés. Pour des
résultats en français, le plus en pointe est celui de Google (http//blogsearch.google.fr). Si votre entreprise ou vos concurrents sont implantés à l’international, vous pouvez
faire les recherches avec www.technorati.com ou www.blogdigger.com
4. Echangez des informations avec vos réseaux. Sollicitez vos partenaires pour qu’ils vous signalent les
informations concernant votre entreprise. Et faites-le pour eux en retour.
Si, à tout moment, des propos négatifs sur vos activités peuvent être mis en ligne, il existe des moyens pour les repérer.
Il faut donc s’astreindre à faire une veille régulière, en explorant le Web une fois par semaine, par exemple, sachant que quelques dizaines de minutes suffisent.
Ensuite, restez vigilant. N’hésitez pas à revenir sur les sites où le nom de votre entreprise est déjà apparu car vous pouvez avoir de mauvaises surprises : « Le commentaire que j’avais posté en réponse à des critiques deux mois plus tôt avait disparu, raconte Charlotte Gaillard, du Berceau magique (site de vente en ligne de cadeaux pour bébés). J’ai envoyé un e-mail à l’auteur du blog pour lui demander de le remettre en ligne. Ce qu’il a fait. »
Ne vous privez pas de commenter
« Ce produit ne tient pas ses promesses et il est trop cher », écrit un client mécontent sur un forum de consommateurs. Ce n’est pas grave, pensez-vous. Ce n’est pas sûr car, contrairement à une lettre de réclamation qui traîne dans les bureaux du service clients, le message sur le Net peut toucher des milliers de clients potentiels...
Il y a certains signaux à décoder : la petite phrase ou le billet d’humeur génèrent-ils d’autres commentaires ? Leur tonalité générale est-elle négative ? Sont-ils nombreux et relayés vers d’autres sites ? Quand Six Apart, hébergeur de blogs, a annoncé une nouvelle politique tarifaire en 2004, elle a suscité aussitôt des centaines de commentaires négatifs sur les blogs des utilisateurs, à leur tour commentés. Un effet boule de neige que les dirigeants n’avaient pas du tout prévu. Il faut alors être ultraréactif et éclaircir au plus vite sa position. C’est ce qu’a fait le dirigeant, Loïc Le Meur, en élaborant une nouvelle version de l’offre en moins d’une semaine, qu’il a argumentée sur son blog.
Réactivité et transparence : une stratégie adoptée aussi par LaFraise, un éditeur de tee-shirts travaillant exclusivement sur internet, qui connaît une forte notoriété grâce au blog du patron.
En janvier dernier, un concurrent, blogueur lui aussi, s’épanche dans un billet et reproche à LaFraise de s’être fortement inspiré de l’un de ses modèles. Malaise dans ce petit monde jeune et branché. Lâm Hua, directeur créatif de LaFraise, n’hésite pas une seconde : « Nous avons posté un premier message sur le blog du concurrent pour expliquer que le dessin avait été choisi de bonne foi. Dans la foulée, nous avons publié un message sur notre propre blog pour inviter la communauté à rendre visite à la boutique virtuelle du concurrent. » Ce geste fair-play a calmé les esprits et convaincu les clients-blogueurs de la sincérité de l’équipe.
Pour faire face à ce genre de crise, mieux vaut posséder un capital de sympathie et de confiance auprès des internautes. « Ce qui est certainement plus facile pour une jeune entreprise du Net que pour une entreprise "en dur" qui a peu l’habitude de cet univers », reconnaît Lâm Hua. Or ce capital se bâtit en jouant la carte de l’authenticité. Ne tombez pas dans la manipulation.
Pour rectifier le tir, il peut être tentant de poster des commentaires en se faisant passer pour un consommateur ravi. Ecrire « Le produit lambda est super ! », comme on le voit encore trop souvent dans les forums, ne suffit pas à convaincre les internautes.
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Internet ? C’est l’endroit où je peux avoir une idée de ce qui se dit sur le Berceau magique.
Mettre en place un système d’alerte sur Google m’a pris une minute et depuis je consacre une heure par semaine à faire de la veille sur la marque et les produits et à pister les commentaires sur les forums.
La règle du jeu, c’est d’accepter les critiques légitimes dans la relation commerciale, mais j’ai appris à faire la différence entre l’expression d’une opinion et des propos malveillants. Si notre positionnement haut de gamme génère des
remarques sur nos prix jugés parfois trop élevés, tant pis, j’assume ! En revanche, certaines critiques nécessitent une réponse.
Ainsi, le rédacteur d’un blog à caractère informatique avait émis des réserves sur un point jugé défaillant de notre site. Avec mon webmaster, j’ai pris le temps d’élaborer un
commentaire argumenté pour défendre la qualité de notre plate-forme. J’ai eu droit aussi à quelques coups bas de la concurrence déguisée sous le pseudo d’un consommateur lambda.
Ce sont des messages dans lesquels les personnes se plaignent de problèmes de livraison, de produits non conformes à la commande, le tout en des termes très vagues... Bien sûr,
lorsque vous postez un message en leur proposant de vous contacter, vous n’en entendez plus parler !
Charlotte Gaillard, directrice du Berceau magique, site de vente en ligne de cadeaux pour bébés
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Il faut assumer ouvertement le rôle de défenseur de la marque et, si vous n’avez pas la plume facile, l’idéal est de confier la tâche à une personne de votre équipe bien au fait des nouveaux outils. Chez Rue du Commerce, Frédéric Klotz, responsable qualité du service après-vente, joue aussi au médiateur et répond en direct aux critiques des clients. Cette omniprésence sur les forums contribue à la bonne image de l’entreprise. « Apportez des réponses claires et concises, conseille Frédéric Klotz, qui intervient sur 200 messages par semaine.
Répondez précisément aux points abordés sans chercher ni à vous justifier, ni à accuser les auteurs. » A un internaute en colère parce que son colis s’est perdu, le médiateur écrit : « Comme vous pouvez le voir, un nouveau téléviseur est en cours d’expédition pour vous. Je regrette encore l’attente et la perte du premier par le transporteur. » Bref, soyez pro et courtois !
Utilisez le droit de réponse
Souvent, il est impossible d’intervenir directement sur le site où vous êtes attaqué. « Il y a le droit de réponse, rassure Thibault Verbiest, avocat aux barreaux de Paris et de Bruxelles. Il a été pensé comme un véritable droit d’expression qui se justifie dès que votre entreprise est citée et que vous souhaitez apporter des précisions. »
Il n’est pas nécessaire que les propos soient malveillants pour exercer ce droit dont la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) de 2004 fixe le cadre.
C’est la voie explorée par le dirigeant d’une petite entreprise du secteur médical dont les méthodes de management étaient qualifiées de « tyranniques » sur un site d’informations professionnelles. « Je disposais de trois mois pour réagir à partir du moment où l’article a été mis en ligne, explique ce patron. Aidé par mon avocat, j’ai envoyé un e-mail doublé d’un courrier en recommandé au responsable du site. Notre droit de réponse a été publié en ligne en moins de trois jours conformément à la loi. »
Précisons que la réponse doit avoir la même longueur que les propos litigieux et garder un contenu correct ; si l’envie vous tenaille de traiter l’auteur des propos incriminés de « crétin », votre réponse risque fort de ne pas être publiée.
Explorez la voie amiable
Quand les critiques formulées sur internet ont pour origine un différend d’origine commerciale, l’intérêt est de trouver une solution amiable.
Retournez la situation à votre avantage comme Frédéric Klotz : « Il ne se passe pas une semaine sans que nous ne devions faire face à des propos quasi diffamatoires, constate le médiateur de Rue du Commerce. Je poste un commentaire sur le forum et contacte le client téléphoniquement en lui demandant de modifier ses propos. » Et le médiateur sait se faire entendre : généralement, l’internaute rectifie le tir en publiant un message plus positif ! Si ça ne marche pas, c’est auprès des responsables du forum qu’il faut exiger la suppression des messages litigieux en les contactant par e-mail à l’adresse indiquée sur le site.
« En règle générale, les responsables sont très réceptifs, assure Frédéric Klotz. Ils savent ce qu’ils encourent en laissant de tels messages sur leur site. » Si une solution satisfaisante tarde à se dessiner, les services du médiateur du Net http://mediateurdunet.fr/fo/index.php peuvent vous sortir du mauvais pas. Créé à l’initiative des pouvoirs publics, il intervient dans les différends opposant cyberconsommateurs et entreprises.
« La modification des propos peut faire partie de l’accord de règlement à l’amiable à condition qu’il ne s’agisse pas de cas de diffamation, pour lesquels nous n’intervenons pas », précise Marie-Françoise Le Tallec, secrétaire générale du Forum des droits sur l’internet, qui préfère rester discrète sur le contenu et l’issue des médiations. Le service est payant pour les entreprises (tarifs non communiqués) et se déroule intégralement sur internet, du formulaire à remplir aux échanges avec le médiateur.
Faites intervenir le juge
Coup classique, l’auteur des propos malveillants se cache sous un pseudo...
Un avocat peut lancer une procédure d’urgence. C’est la démarche entreprise par un groupe commercialisant des produits de haute technologie qui a découvert sur un site d’informations financières un message anonyme affirmant que des vols d’ordinateurs étaient commis dans une filiale. En vingt-quatre heures, le juge était saisi et une ordonnance délivrée afin que l’hébergeur du site communique tous les éléments permettant l’identification de l’auteur du fameux message. Deux jours plus tard, l’hébergeur fournissait l’adresse IP, indispensable pour localiser l’expéditeur, qui s’est avéré être un salarié : il encourt des sanctions disciplinaires. Avant de se lancer dans une telle démarche, vérifiez bien que le jeu en vaut la chandelle, car il faudra débourser environ 2 500 euros de frais d’honoraires d’avocat et d’huissier.
Plus classique, le responsable d’un site fait la sourde oreille à votre demande de retrait d’un message à caractère diffamatoire ? Faites appel au juge des référés, qui peut exiger la suppression des propos litigieux. Le constructeur Nissan Europe a saisi la justice après avoir découvert qu’une ancienne salariée avait un blog où elle s’épanchait sur ses conditions de départ. Le juge a condamné la blogueuse à supprimer les informations nominatives et les passages jugés diffamatoires et injurieux. Et à verser des dommages et intérêts...
Il ne faut pas oublier qu’un procès est une arme à double tranchant. Il suffit de le perdre pour que l’image de l’entreprise se dégrade encore plus. Une société du secteur immobilier a failli en faire la douloureuse expérience. Harcelée durant un an sur le site d’une association de consommateurs, et sûre de son bon droit, elle décide de porter l’affaire en justice. Elle perd le procès en première instance. « Le tribunal a exigé que l’entreprise démontre que les accusations étaient fausses : le monde à l’envers ! Au regard de la loi, c’est à l’association de faire la preuve de ses accusations », s’insurge Thibault Verbiest, qui a suivi l’affaire et reconnaît avoir été pris au piège. L’entreprise fait appel et présente cette fois un rapport démontrant les stratagèmes de la partie adverse. Inquiète, l’association propose une conciliation et les deux parties tombent d’accord. Le procès est abandonné, la rubrique incriminée est fermée, rien n’a filtré dans les médias, le pire a été évité. Mais le coup est passé tout près !
QUAND UN SALARIÉ SE LÂCHE SUR LE NET
Même si le Code du travail reconnaît aux salariés un droit à l’expression, un arrêt de la Cour de cassation du 12 novembre 1996 précise que cela ne doit pas dégénérer en abus.
Le respect du contrat de travail implique donc de faire preuve de loyauté et de discrétion sur tout site internet, même sur un blog à caractère privé.
Un salarié - y compris syndicaliste - ne peut décrire de manière négative son entreprise, diffuser des informations personnelles sans l’accord des individus concernés, et encore moins se laisser aller à des attaques, des injures ou de la diffamation. Il se doit de respecter le secret professionnel et ne peut diffuser d’informations confidentielles. Des sanctions disciplinaires allant jusqu’au licenciement pour faute grave ou lourde sont possibles, à condition de démontrer que l’intention de nuire à l’entreprise était réelle.
Dans l’affaire dite de la Petite Anglaise, une salariée blogueuse a été licenciée en avril 2006 aux motifs qu’« elle avait nui à la crédibilité de l’entreprise et de ses dirigeants » et « travaillé sur le site pendant ses heures de travail ». L’affaire, portée devant les prud’hommes, doit être jugée d’ici à l’été.