Claude Grison : les plantes et les métaux lourds
Défenseure d’une chimie plus vertueuse, cette chercheuse au CNRS a mis au point une méthode utilisant les plantes pour dépolluer les sites miniers
Les videos sont tres pedagogiques,
car Claude GRISON est également Professeure
et c'est avec ses élèves qu'on verra qu'elle a orienté ses recherches ultérieures :
Décontamination des sols pollués avec des plantes qui absorbent le métal
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"La nature donne les moyens de réparer les dégâts que nous avons causés"
Lauréate du Prix de l'inventeur européen 2022 Tandis que la plupart des plantes ne peuvent pas pousser dans des environnements contaminés, certaines espèces se sont adaptées pour se développe...
https://new.epo.org/fr/news-events/european-inventor-award/meet-the-finalists/claude-grison
Elle a eu une intuition de génie, qui lui a valu le prix de l’Inventeur européen de l’année 2022. Claude Grison, chimiste bio-inspirée, a développé des méthodes pour décontaminer les sols et l’eau grâce à des plantes.
Mieux encore : les métaux ainsi récupérés servent de catalyseurs « écolos » pour la synthèse de médicaments ou de produits cosmétiques.
Entretien avec la Docteur Claude Grison & focus sur le concept d’écocatalyse 👇
Entretien avec la Docteur Claude Grison et focus sur le concept d'écocatalyse
Claude Grison est l'auteur de 175 publications et ouvrages, 45 brevets et 191 conférences. Ses travaux ont été récompensés par 13 prix scientifiques, dont le prix de l'inventeur européen 2022...
Claude Grison : La conceptualisation de cette approche scientifique d’écocotalyse a trouvé sa genèse à travers l’objectif que poursuivent mes recherches : la quête de solutions fondées sur les ressources que nous offre la nature afin de restaurer des sols dégradés et contaminés, mais également de dépolluer l’eau par des processus écologiques et performants. Vous l’avez compris, ce concept s’inscrit indubitablement dans le cadre du développement durable car il s’agit de ne pas générer de déchets, voire pire, d’utiliser de produits toxiques. Je me réjouis donc de pouvoir vous assurer que l’objectif a pu être atteint par la découverte des capacités d’adaptation uniques et remarquables des plantes. De cette découverte ont découlé nombre de publications et de solutions déployées à grande échelle qui ont rapidement dépassé le cadre de la recherche, pour intégrer le milieu industriel. En effet, il convient de ne pas oublier la réalité économique qui s’impose à tout chercheur pour initier un procédé innovateur et de facto réussir à obtenir des retours financiers à la suite des moyens mis en œuvre. Afin de lever ce verrou, il convenait, après ce remarquable travail de dépollution, de transformer ces plantes en des outils utiles. Cette plus-value économique est désormais permise par l’écocatalyse, qui transforme ces plantes chargées en polluants en outils utiles et incontournables pour une chimie nouvelle, verte et durable.
Claude Grison, bon génie de la chimie verte
Elle a eu une intuition de génie, qui lui a valu le prix de l'Inventeur européen de l'année 2022. Claude Grison, chimiste bio-inspirée, a développé des méthodes pour décontaminer les sols e...
https://lejournal.cnrs.fr/articles/claude-grison-bon-genie-de-la-chimie-verte
La Nouvelle-Calédonie, son lagon féerique, ses récifs merveilleux… et ses sols ravagés par l’extraction minière. Cinquième producteur mondial de nickel, l’archipel paie un lourd tribut écologique à cette industrie lourde. Vingt mille hectares y sont si dégradés qu’on se croirait sur Mars.
Ce sont des terrains caillouteux et desséchés que les averses et les ouragans lessivent chaque année. Les polluants, amenés par les eaux, atteignent ainsi les rivières et le lagon, mettant en péril les récifs coralliens. Jusqu’à il y a peu, il n’y avait aucune solution satisfaisante à ce désastre.
Mais aujourd’hui, à Thio, à 120 kilomètres au nord de Nouméa, l’un de ces sites miniers réputés stériles reverdit peu à peu. Claude Grison, chercheuse CNRS et directrice du laboratoire de Chimie bio-inspirée et innovations écologiques est passée par là.
Sur ce site pilote, la chimiste teste une idée révolutionnaire : utiliser des espèces végétales résistantes aux métaux pour décontaminer le site et permettre à la nature de reprendre ses droits. Et, dans le même temps, stopper les flux toxiques vers le lagon.
Mieux encore : la chercheuse, récompensée en 2014 par la médaille de l’innovation du CNRS, rentabilise ces travaux de restauration environnementale en valorisant les plantes gorgées de métaux qu’elle récolte ensuite sur les friches industrielles. Sur l’ancienne mine à ciel ouvert, un nouveau concept de chimie verte est né...
Entre recherche et enseignement
Claude Grison voit le jour en 1960 à Verdun, une ville entourée de forêts qu’enfant elle parcourt à pied ou à vélo autant qu’elle le peut. Très tôt, elle s’intéresse aux sciences, à toutes les sciences. Père écrivain et mère fonctionnaire à la Banque postale, elle s’imagine plus tard prof de maths.
Finalement, à l’université de Nancy, elle s’oriente vers la chimie « qui est au carrefour de plusieurs disciplines : elle est proche de la physique et requiert l’utilisation de beaucoup d’outils mathématiques, mais fait aussi partie intégrante de l’étude de la vie grâce à la biochimie et la chimie organique, commente la chercheuse. Et pour s’exprimer correctement, décrire ses recherches et prendre du recul, il faut jongler avec un peu de littérature et de philosophie... C’est une discipline assez centrale en somme ».
Le tournant de sa carrière vient en 2007. Quatre étudiantes en classe préparatoire au lycée Joffre, rencontrées dans le cadre de travaux d’initiative personnelle encadrés, lui posent une question : peut-on dépolluer les sols à l’aide de plantes ?
Claude Grison doit bien avouer qu’elle n’en sait rien. Mais la curiosité piquée au vif, elle se plonge dans la littérature scientifique disponible.
Elle découvre alors qu’il n’existe pas de bonne méthode pour traiter un terrain contaminé comme ceux que les projets miniers laissent souvent derrière eux.
« Il n’y avait que deux options : soit excaver les terres contaminées et les traiter dans un site industriel par des procédés chimiques lourds qui, à leur tour, produisent des déchets toxiques ; soit essayer de confiner la pollution pour qu’elle ne se propage pas, ce qui pose sur le long terme des problèmes d’infiltration d’eau et de contamination des nappes phréatiques. »
En clair, le développement de nouvelles stratégies de restauration ne serait pas du luxe.
Il se trouve justement que des écologues ont identifié des plantes capables de pousser dans des environnements très riches en métaux. Si pollués que, à ces exceptions près, aucune autre espèce végétale ne peut y survivre.
Parmi ces plantes de l’extrême, la flore française compte le tabouret des bois (Noccaea caerulescens) et la vulnéraire (Anthyllis vulneraria). Celles-ci accumulent dans leurs feuilles des quantités telles de polluants qu’on s’attendrait à les voir mourir sans tarder. Pourtant, elles s’en portent bien. La clé de la dépollution des sites contaminés pourrait bien se trouver là.
Changement de cap
En 2008, coup de théâtre. Cette affaire de plantes dépolluantes la passionne tant qu’elle abandonne ses fonctions de directrice de laboratoire, délaissant une carrière toute tracée, pour intégrer un laboratoire d’écologie, le Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive où elle est alors la seule chimiste.
Qui a déjà fait des travaux pratiques de chimie au lycée le sait : beaucoup de réactions n’ont lieu qu’en présence d’un catalyseur.
Il s’agit souvent d’éléments métalliques qui permettent aux différents composés chimiques impliqués d’interagir.
Or, ces éléments métalliques pourraient tout à fait être extraits de plantes issues de sites pollués. Cette valorisation aiderait non seulement à rendre durables les efforts de décontamination des sites, mais elle permettrait aussi de produire de façon vertueuse toute une gamme de molécules d’intérêt industriel. Claude Grison imagine ainsi une sorte d’économie circulaire des éléments chimiques.
La chercheuse décide de lancer un chantier pilote de restauration minière. Elle contacte une entreprise minière, réussit à l’intéresser, puis se met à la recherche de financements. Une tâche ingrate lorsqu’on a en tête un projet si éloigné des sentiers battus. « Absurde », « farfelu », « ridicule » sont quelques-uns des commentaires qu’elle récolte.
Elle persévère pourtant, et, grâce au CNRS, puis à l’Agence nationale de la recherche, elle réussit, dès 2010, à mettre en place plusieurs sites expérimentaux couvrant au total six hectare
Elle dépollue les sols et l'eau grâce à... des plantes !
Elle vient de recevoir le prix de l'inventeur européen de l'année ! Claude Grison, directrice du laboratoire ChimEco, a développé des méthodes pour décontaminer les sols et l'eau grâce à de...
https://lejournal.cnrs.fr/diaporamas/elle-depollue-les-sols-et-leau-grace-a-des-plantes
Ses découvertes, brevets et méthodes de développement lui ont valu de nombreux prix.
Dernier en date : le prix de l’Inventeur européen 2022.
« Du point de vue personnel, c’est agréable d’obtenir des prix. Mais c’est surtout la reconnaissance d’une démarche qui montre que la chimie et la protection de l’environnement ne sont pas opposées. Écologie scientifique et chimie sont encore trop éloignées. Leurs deux communautés s’ignorent et ne veulent pas travailler ensemble. Pourtant c’est possible, nous l’avons montré avec mon équipe… », commente la chercheuse qui trouve aussi le temps pour une autre mission.
Avec l’aide de sa fille, journaliste scientifique, elle s’adresse au grand public pour témoigner du rôle positif de la science en général et de la chimie en particulier, quand celle-ci se soucie de la nature. « Il y a aujourd’hui une véritable éco-anxiété liée à l’actualité, je le vois chez les jeunes de mon labo. Il est donc important de partager aussi des exemples positifs », conclut-elle. ♦