Jacob Boehme , le Philosophus Teutonicus
On oublie souvent, ou bien on ignore les sources qui ont parfois enrichi et dirigé la réflexion de certains philosophes pour deux raisons principales :
premièrement les philosophes qui se sont intéressés à l’ésotérisme ou à la théosophie ont fréquemment masqué leur intérêt pour ce versant occulte de la pensée par crainte d’être mal jugé.
De plus les critiques sont souvent passés à coté de ce phénomène parce qu’ils ne le connaissaient pas ou ne voulaient pas le reconnaître
Il faut également savoir qu’à partir du XVIIe et du XVIIIe siècle, en France, les faits paranormaux et le mysticisme s’accompagnaient souvent d’une certaine méfiance due à la vague rationaliste du cartésianisme, et aux Lumières
Depuis les travaux d’Ernst Benz en Allemagne et ceux réalisés en France, il est apparu que l’idéalisme allemand et toutes les philosophies qui se sont déterminées par rapport à ce mouvement intellectuel prennent racine dans la mystique prophétique de Jacob Böhme.
Hegel, Schelling, Hölderlin, Novalis, Tieck et Goethe, pour ne citer qu’eux, louaient tous son génie.
A cette époque, en Allemagne, la majeure partie des lettrés et des intellectuels lisait Böhme.
Il est d’ailleurs tout à fait surprenant que la redécouverte des écrits böhméens en Allemagne au XIX° siècle se soit effectuée par l’entremise du théosophe français, à savoir Louis-Claude de Saint-Martin, son premier traducteur et porte-parole francophone, il a étudié la langue germanique dans le seul but de pénétrer l’œuvre du cordonnier de Görlitz et de pouvoir la traduire.
Ce théosophe français a connu un vif succès en Allemagne de son vivant, de part ses ouvrages personnels et ses traductions de Böhme.
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Quant à la France elle a presque totalement ignoré ses écrits jusqu’à ce jour ( 2007 )
Pour quelles raisons étudier les filiations de ce cordonnier théosophe, aujourd’hui et sur la philosophie française en particulier ?
Ses écrits sont presque totalement inconnus dans notre pays, ils méritent d’être mis en lumière car ils révèlent une théosophie complètement originale, d’une profondeur extraordinaire.
C’est la raison pour laquelle Böhme à produit un impact considérable dans les milieux philosophiques, artistiques et spirituels du monde entier.
Il s’agit de pallier cette lacune et de voir en quoi, à travers l’œuvre de Böhme, les révélations des mystiques peuvent rejoindre certaines doctrines philosophiques, voire inspirer leur élaboration. Il faut savoir que Jacob Böhme a inspiré presque tous les grands philosophes de l’idéalisme allemand. L’influence de la mystique baroque a été telle qu’elle a, tout comme la mystique rhénane avant elle, favorisé l’évolution de la langue allemande.
https://scd-resnum.univ-lyon3.fr/out/theses/2007_out_lasserre_p.pdf ( Pdf : 359 pages )
Une difficulté surgit à propos de ce cordonnier atypique. En effet, il est difficile de le classer dans une catégorie de penseurs bien définie, car il est tout à la fois :
qualifié de véritable théologien mystique, il est considéré par Hegel comme le père de la philosophie allemande, il serait le plus grand gnostique chrétien aux yeux de Berdiaev, ainsi que le plus profond des psychologues selon Feuerbach ;
Böhme est également regardé comme le représentant incontesté de la théosophie allemande.
Son œuvre a suscité des interprétations extrêmement diverses et contradictoires du fait de l’évolution constante de sa doctrine, de sa richesse, de sa complexité et de son obscurité.
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Considéré par Alexandre Koyré comme l’un des penseurs les plus énigmatiques de l’univers, Jacob Boehme – dénommé le Philosophus Teutonicus – soulève encore aujourd’hui bien des questions et constitue un défi interprétatif
l'Univers a commençé avec la Question : QUI SUIS-JE ?
l'Univers a commençé avec une Crise Existentielle
la CRISE est un mot grec,signifiant la SEPARATION
Au début n'était rien : le Neant est le 1er principe ,l'Unité indifférentiée,l'Absolu,l'Abime,l'éternelle Liberté devant la nature et la créature
l'Infini ne peut pas être connu comme une chose distinguable des autres choses,puisqu'il n'y a rien,en dehors de l'infini
Donc,l'Infini est un rien inconnaissable ,même pour lui même,
mais le désir infini de se connaitre lui même,est contraire à la condition même et à la base de la manifestation,sans differentiation
il ne peut y avoir de la connaissance ,parce que rien ne peut etre connu en dehors de son contraire,par lui même,rien n'a d'existence,
l'être a besoin de sa propre absence ,pour se savoir être,c'est être distinguable : être ici et non là,
etre maintenant et non .....être ainsi et non autrement
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Jacob Boehme (1575-1624): "Mon esprit a pénétré (...) jusque dans la génération la plus intérieure de la divinité, et là il a été embrassé par l'amour, comme un époux embrasse sa chère épouse. (...) Dans cette lumière, mon esprit aussitôt a vu au travers de toutes choses, et a reconnu dans toutes les créatures, dans les plantes et dans l'herbe, ce qu'est Dieu, et comment il est, et ce que c'est que sa volonté. Et aussi, à l'instant, dans cette lumière, ma volonté s'est portée, par une grande impulsion, à décrire l'être de Dieu."
Jacob Boehme mérite, incontestablement, d'être considéré comme le plus surprenant et le plus profond visionnaire que les temps firent surgir au sein du large et vaste courant de l'ésotérisme chrétien.
Tout, en lui, témoigne de ce mystère qu'il plaça en tant qu'élément central de sa doctrine, colorant la totalité de son uvre d'une énigmatique opacité que très peu purent véritablement percer.
Ce " Qui suis-je ? " Boehme nous montre comment l'extraordinaire cordonnier allemand, doté d'une exceptionnelle capacité à expliquer les moindres phénomènes rencontrés dans le règne de la nature, parvient, dans un identique mouvement, à nous faire accéder aux secrets célestes touchant à la primitive origine du Principe.
Véritable voyage d'un genre peu commun, la rencontre avec l'uvre de Jacob Boehme est, bien souvent, à la source d'une réorientation spirituelle radicale, un moment inoubliable ; en effet, s'agissant de l'énigme révélée de la silencieuse présence intérieure de la Sagesse de Dieu, le visionnaire de Görlitz manifeste une renversante pertinence.
On lui doit cette incomparable perception de la sainte Sophia, celle qui inspire l'âme plongée dans les ténèbres du monde, Sagesse qui nous guide vers la véritable gnose, c'est-à-dire vers la connaissance indicible de l'indéfinissable " sans-fond " (Ungrund), l'essence de toutes les essences.
Ce fut, selon son expression, " par l'esprit de Dieu " que Boehme put atteindre ces terres lointaines où l'intellect transcendant communique librement avec le suressentiel, où il perçoit clairement la Parole non émanée qui subsiste au cur de la Sainte Trinité, et il nous en livra, dans ses fascinants ouvrages, avec quel génie et souveraine maîtrise, l'admirable témoignage directement inspiré du Ciel.
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