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Knock on Wood

SNCF Primes et heures supplémentaires

31 Janvier 2020 , Rédigé par Ipsus Publié dans #JURIDIQUE , Fiscal & Partenariats

Une jurisprudence contradictoire pourrait donner une chance à la SNCF de légitimer légalement ces primes.

En effet, en 2011, la Cour de cassation assurait que "pour attribuer une prime aux seuls salariés non-grévistes, l’employeur doit caractériser un surcroît de travail des salariés n’ayant pas participé au mouvement de grève".

En cas d'action judiciaire, les avocats de la SNCF pourraient donc tenter de prouver que ces primes ne visaient pas à récompenser les non-grévistes, mais à récompenser les agents non-grévistes ayant fait face à un surcroît de travail pendant la grève.

Gratifications
Primes à la SNCF: récompenser ceux qui travaillent n’est pas un crime
Emmanuelle Ducros
31 janvier 2020 à 12h45
Une polémique inutile enfle après la grève à la SNCF

Des salariés de la SNCF non grévistes ont bien reçu des primes. Elles récompensent un surcroît de travail.Des salariés de la SNCF non grévistes ont bien reçu des primes. Elles récompensent un surcroît de travail. © Sipa Press
  
« Une tentative tout à fait déplacée de polémique et de politisation de mesures managériales classiques récompensant du travail supplémentaire et de l’engagement pour le service. » C’est ainsi que la SNCF a réagi aux critiques de Sud et de la CGT après le versement de primes à des agents qui n’ont pas participé à la grève entamée le décembre et qui a duré 46 jours. Ces syndicats l’accusent de favoriser les briseurs de grève de façon illégale. De fait, la démarche de la SNCF ne l’est pas.

« Il s’agit de décisions managériales locales que nous assumons tout à fait. » La SNCF reste droite dans ses bottes en dépit des critiques qui fusent de la part des syndicats les plus impliqués dans la grève contre la réforme des retraites. Oui, des primes ont bien été versées, entre « quelques euros et un millier d’euros à des agents qui ont fait face à un surcroît de travail et qui se sont mobilisés de façon exceptionnelle dans une période de fêtes. En ont bénéficié des agents non pas parce qu’ils étaient non-grévistes, mais parce qu’ils ont permis aux trains de circuler y compris les week-ends et pendant les fêtes, aux postes d’aiguillage d’être tenus, et aux voyageurs d’être correctement informés pendant toute la période. » La SNCF n’est pas en mesure de dire exactement combien de salariés en ont bénéficié.

Les gratifications n’ont en effet pas été décidées à la tête de l’entreprise, mais dans les établissements locaux de la SNCF. L’entreprise explique que la moyenne des primes est de 500 euros, que quelques agents ont touché 1 500 euros, mais que ces cas restent rares. « Il n’est pas inédit que la SNCF verse des primes, elle l’a fait l’an passé, elle l’a fait en 2016. Cela sert aussi couramment à récompenser un surcroît de travail et d’engagement, mais aussi parfois à couvrir des heures supplémentaires pour des agents, des cadres, qui ont une rémunération au forfait », détaille un porte-parole de l’entreprise.

Débat idéologique. Alors ? Illégal ou pas de verser une prime à des salariés non grévistes ? « Le droit du travail interdit évidemment, par l’article L 2 311-1, de discriminer les salariés qui font grève. Il impose une égalité de traitement des salariés… mais pour des salariés qui se trouvent dans une situation similaire. Une personne qui a travaillé et une personne qui n’a pas travaillé ne sont pas dans une situation similaire », analyse Laëtitia Ternisien, avocate spécialisée en droit du travail au cabinet Jeantet. C’est d’ailleurs ce qui explique que, dans les entreprises, des salariés puissent avoir, individuellement, des primes exceptionnelles pour récompenser une action particulière.

Selon elle, la SNCF évite toute remise en cause de sa décision « en donnant des éléments objectifs qui justifient les primes. Ce qui est récompensé, ce n’est pas de ne pas avoir fait grève, mais un effort, un surcroît de travail. Le débat sur ces primes est idéologique. Les grévistes trouvent cela choquant. Mais on peut aussi considérer, sur ce terrain, qu’il n’est pas choquant qu’une personne qui a plus travaillé touche plus d’argent. »

Jurisprudence. La jurisprudence a été mise en avant par les syndicalistes de la CGT et de Sud, pour étayer une illégalité des primes versées aux agents SNCF. Laëtitia Ternisien balaie ces arguments et ces références. Si la cour de Cassation a, en effet, eu à se prononcer sur des primes versées en période de grève, ses arrêts ne concernent pas une situation similaire à celle qui a eu lieu à la SNCF. Ainsi, le 3 mai 2005 (arrêt n° 09-68.297), la cour de cassation avait estimé que la société Les courriers de la Garonne avait enfreint la loi et mis en place une mesure discriminatoire en versant une prime exceptionnelle à des chauffeurs de bus non grévistes pour « compenser les conditions de travail pénibles qu’ils avaient eu à subir durant le mouvement social, en raison notamment de la nervosité des usagers ».

Dans un autre arrêt, pris en juin 2010, (n° 09-40.144 FS-PB), la même cour avait estimé, dans une affaire concernant la société Safen, « discriminatoire l’attribution par l’employeur d’une prime aux salariés selon qu’ils ont participé ou non à un mouvement de grève ». En l’espèce, la prime avait été octroyée à tous les salariés non grévistes y compris ceux qui, sans être grévistes, n’avaient pas travaillé. Elle ne reposait donc pas sur un effort supplémentaire.

A la différence de la situation observée à la SNCF, dans aucun de ces deux cas la prime n’était justifiée par un surcroît de travail de leur part des salariés. Les primes apparaissaient alors comme une sanction directe ou indirecte de l’exercice du droit de grève.

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