RWANDA : origine des massacres de 1994 et Opération Turquoise
Le 22 juin 1994, le Conseil de sécurité de l’ONU autorise par la résolution 929 le déploiement d’une force multinationale sous commandement français au Zaïre et au Rwanda pour mettre en sécurité les personnes en danger au Rwanda.
Or, depuis plus de vingt ans, journalistes, membres d’ONG, chercheurs et surtout le régime du Rwanda accusent la France d’avoir participé à la préparation puis à l’exécution du génocide.
Un officier français reprend d’ailleurs les mêmes accusations.
Celles-ci sont-elles exactes ? Sur quelles preuves reposent-elles ?
Après plus de dix années de recherches dans les archives du Conseil de sécurité, de l’Elysée, du ministère français de la Défense, celles du gouvernement des Etats-Unis et du Tribunal Pénal International pour le Rwanda ainsi que le recueil de nombreux témoignages, Charles Onana répond à ces questions.
Il démontre aussi que les dirigeants actuels du Rwanda ont, pendant plus de deux mois, empêché l’intervention de l’ONU, encourageant ainsi les massacres plutôt que l’arrêt des hostilités et le partage du pouvoir, comme le prévoyaient les accords de paix signés en 1993 à Arusha.
Voici enfin le premier ouvrage scientifique entièrement consacré à la mission Turquoise. Il remet en cause tout ce que l’on croyait savoir jusqu’ici.
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Les videos sont interessantes
car il faut avoir bien suivi l'actualité
pour s'y retrouver dans les articles
Pour bien mesurer les enjeux il faut partir de 1990 et pas seulement 1994
Enfin savoir ce que Mitterand et Balladur voulaient eviter
Ensuite beaucoup d'omerta depuis l'époque
sans oublier les anciens soutiens americains et anglais au Rwanda d'avant 1994
Pourles livraisons d'armes de la France
on attend encore les dates,les lieux et les noms
Quant aux ONG leur neutralité est à geometrie variable " as usual "
la crise des grands lacs ( video ) evoque le CONGO
grand oublié malgré de nombreux morts aussi
qui n'ont pas le même poids selon l'émotion mediatique
Louise Mushikiwabo, ex-ministre des Affaires étrangères du Rwanda a pris les rênes de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) en janvier 2019.
![Rwanda : Louise Mushikiwabo, première femme africaine à la tête de l'OIF](https://image.over-blog.com/NOB6_GVMVUKwIo4meA7RlvIgYQI=/170x170/smart/filters:no_upscale()/https%3A%2F%2Fi1.wp.com%2Fvonews.net%2Fwp-content%2Fuploads%2F2019%2F12%2Frwanda_7.jpg%3Ffit%3D1200%2C675%26ssl%3D1%26w%3D640%23width%3D640%26height%3D360)
Rwanda : Louise Mushikiwabo, première femme africaine à la tête de l'OIF
Louise Mushikiwabo, ex-ministre des Affaires étrangères du Rwanda a pris les rênes de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) en janvier 2019. Après Michaëlle Jean, elle est la ...
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Depuis 1994 et l'opération Turquoise conduite au Rwanda par les armées françaises, la polémique sur le rôle de ces dernières ne faiblit pas.
Elles demeurent accusées par le gouvernement de Paul Kagame, vainqueur de la guerre civile, d'avoir soutenu le régime de Juvénal Habyarimana, donc les organisateurs du génocide des Tutsis.
Vivement combattus par les autorités françaises de l'époque et par les militaires envoyées sur le terrain, les faits à la base de ces dénonciations font depuis cette période l'objet d'études historiques aussi abondantes que contradictoires.
Dernière en date : celle du docteur en sciences politiques Charles Onana, qui vient de publier sa thèse sous forme de livre, décortiquant la narration de ces événements tragiques : Rwanda, la vérité sur l'opération Turquoise. Quand les archives parlent.
Après un quart de siècle, la polémique sur le rôle de la France durant les événements du Rwanda en 1994 ne s'est pas éteinte. Quelles découvertes avez-vous faites dans les archives que vous avez étudiées ?
À mes yeux, les archives les plus riches sont celles du Conseil de sécurité des Nations unies. Elles n'avaient pas été examinées véritablement jusqu'à présent ni exploitées par des chercheurs. Or on comprend en les lisant pourquoi durant deux mois, entre le 7 avril 1994 et le début de l'opération militaro-humanitaire Turquoise, le 22 juin suivant, personne n'est intervenu pour mettre fin aux massacres des Tutsis, des Hutus et des Twas. Le 6 avril, c'est l'assassinat du président Juvénal Habyarimana. L'affrontement entre le FPR [Front patriotique rwandais, de Paul Kagame, NDLR] et les troupes gouvernementales ainsi que le massacre des civils commencent le lendemain. Or dans les archives de l'ONU, on découvre que le gouvernement intérimaire accusé d'avoir planifié le génocide des populations tutsies n'a eu de cesse d'appeler à la rescousse les membres du Conseil de sécurité et le secrétaire général de l'ONU Boutros Boutros-Ghali, afin qu'ils envoient des troupes au Rwanda. L'argument du gouvernement de Kigali consistait à dire que son armée était mobilisée contre l'offensive militaire du FPR et ne se trouvait pas en mesure d'assurer la sécurité des civils. L'obtention d'un cessez-le-feu était prioritaire. Simultanément, le FPR ne cessait d'adresser des courriers au président du Conseil de sécurité, Colin Keating, pour accuser le gouvernement rwandais de commettre des exactions. De fait, c'est bien le FPR qui s'opposait à toute intervention de l'ONU pour arrêter les massacres et le génocide.
![Génocide au Rwanda : " On ne peut se satisfaire des seules accusations contre la France "](https://image.over-blog.com/IRA_ETi0nJORBjMlGWGY2Z-vBhE=/170x170/smart/filters:no_upscale()/https%3A%2F%2Fwww.lepoint.fr%2Fimages%2F2019%2F12%2F18%2F19859780lpw-19861283-article-jpg_6775804_540x282.jpg%23width%3D979%26height%3D426)
Génocide au Rwanda : " On ne peut se satisfaire des seules accusations contre la France "
ENTRETIEN. La France est souvent mise en cause pour son rôle au Rwanda. Le spécialiste Charles Onana voudrait que chaque acteur soit examiné avec la même minutie.
Pourquoi la communauté internationale ne déclenche-t-elle pas une intervention ?
Mais parce que le FPR et ses soutiens au Conseil de sécurité n'en veulent pas ! Ils exercent en ce sens des pressions indubitables. À New York, le dossier est d'abord piloté par Madeleine Albright, ambassadrice des États-Unis à l'ONU ; le président Keating a pris fait et cause pour le FPR ; les Britanniques sont sur la même position ; la République tchèque, en la personne de M. Karel Kovanda, appuie cette politique. Sans oublier les Australiens… Aucun ne voulait d'un déploiement international d'interposition sur le terrain, qui aurait conduit au cessez-le-feu que réclamait la Minuar (Mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda) présente sur place. Cette perspective était inacceptable pour le FPR, qui n'entendait pas limiter les effets de sa supériorité militaire. Les États-Unis s'y opposaient également : elle aurait ouvert la porte à un retour aux accords d'Arusha, conclus en août 1993, qui organisaient le partage du pouvoir entre les composantes de la société rwandaise.
Pourquoi écrivez-vous que la presse américaine a donné le ton sur la couverture des événements du Rwanda, alors même que les journalistes français, entre autres, se trouvaient très présents sur place ?
Depuis 1990, les États-Unis soutenaient la prise de pouvoir du FPR à partir de l'Ouganda. En taisant un fait essentiel : le FPR était en réalité une composante de l'armée ougandaise. Lorsque Paul Kagame va lancer sa campagne médiatique contre la France, il sera appuyé par un journaliste clé, Franck Smyth, associé à l'organisation Human Rights Watch (HRW), qui lance ses accusations contre la France dès janvier 1994 (Arming rwanda. The arms trade and human rights abuses in the rwandan war). C'est lui qui, à travers les journaux américains auxquels il collabore, va déclencher la campagne sur le rôle prétendument suspect de la France dans la tragédie. Les journaux français suivront. C'est limpide : leur source biaisée, c'est HRW. Aucun fait précis ne vient appuyer ces assertions infondées, ensuite reportées sur Turquoise. C'est extrêmement troublant. Je ne prends qu'un exemple : quand d'aucuns assènent que la France aurait livré des armes au gouvernement intérimaire, personne n'apporte d'éléments précis : où, quand, comment ? Quand les Français ont lancé leur opération humanitaire à Goma (Zaïre), ils n'avaient d'autre objectif en tête que le soutien aux populations civiles rwandaises. Les dirigeants français voulaient aussi, à travers cette mission Turquoise, laver l'opprobre dont ils étaient couverts. Les affirmations péremptoires contre la France ne résistent pas à l'examen rigoureux des faits.
Le « manque d'objectivité » de Médecins sans frontières
Vous examinez le rôle de Médecins sans frontières, dont vous écrivez qu'il serait troublant...
Le rôle des membres de MSF sur le terrain est irréprochable. Je n'ai pas le même point de vue sur la direction internationale de cette ONG. À juste titre, elle a condamné dès le début des massacres conduits par des Hutus contre les Tutsis. Ses propres membres tutsis ont été victimes des atrocités, ce que l'organisation a dénoncé. Mais lorsqu'il s'est agi de critiquer le FPR quand il s'en est pris à ses membres hutus (enlèvements et massacres), MSF s'y est refusé. Pourquoi l'ONG n'a-t-elle pas rendu publics les rapports de ses militants présents sur place et critiques contre le FPR ? Je ne peux que regretter que les éléments de langage de MSF dans sa stratégie de communication soient proches de ceux du FPR. J'ai découvert dans les archives de MSF que cette attitude trouve son explication dans la rivalité entre MSF France et MSF Belgique, cette dernière jouant le rôle de caisse de résonance du FPR. Je suis troublé par ce rôle manquant d'objectivité, marqué par la censure de ses propres militants, qui n'ont pas manqué de protester.
Pourquoi, à vos yeux, la France concentre-t-elle les critiques sur cette période ?
Elle s'est trouvée pointée du doigt dès le début du conflit, sans aucun doute pour tenter d'occulter le rôle d'autres acteurs. Les États-Unis, entre autres, soutenaient ouvertement le FPR. Dans les archives américaines, ce rôle déterminant du début de l'offensive des rebelles en 1990 jusqu'aux négociations d'Arusha (1992-1993) est parfaitement explicite. Or, j'observe que même le copieux rapport parlementaire français (rapport Quilès) fait l'impasse sur cet élément pourtant primordial et bien étayé par les archives déclassifiées du gouvernement des États-Unis lui-même. Pour moi, c'est une dissimulation volontaire, dont la conséquence est de n'évoquer que le seul rôle de la France alors que les États-Unis étaient également présents (Operation Support Hope), tout comme le Royaume-Uni (opération Gabriel), le Canada (opération Scotch et opération Passage) et Israël (Interns for Hope). Je l'affirme : l'analyse de cette période atroce ne peut se satisfaire des seules accusations partiales et infondées contre la France. Le rôle précis de tous les acteurs doit être examiné en toute impartialité si l'on veut comprendre cette tragédie et ses enjeux.
![Rwanda : révélations sur les massacres de Bisesero](https://image.over-blog.com/BmdeguQhWhkvW9ZO7n6LpUI9ERE=/170x170/smart/filters:no_upscale()/https%3A%2F%2Fmedia.marianne.net%2Fsites%2Fdefault%2Ffiles%2Frwanda-kagame-bisesero-operation-turquoise.jpg%23width%3D790%26height%3D445)
Rwanda : révélations sur les massacres de Bisesero
D'anciens soldats de l'armée patriotique du Rwanda, le bras armé du Front patriotique rwandais de Paul Kagamé, et un survivant tutsi, sauvé par des soldats français, livrent de nouveaux élém...
https://www.marianne.net/monde/rwanda-revelations-sur-les-massacres-de-bisesero
Certains en ont fini avec la tragédie rwandaise, un des pires génocides contemporains (800 000 morts, principalement tutsis), survenu en 1994 dans un pays où le feu couvait depuis des années. C'est le cas de la justice française qui l'an dernier a refermé une instruction vieille de vingt ans et visant plusieurs proches du dictateur Paul Kagamé, maître du pays depuis la fin des massacres et la victoire de son Front patriotique rwandais (FPR). Ils étaient soupçonnés avoir joué un rôle actif dans l'attentat meurtrier contre l'avion du président hutu Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994, événement présenté comme déclencheur du génocide. « Preuves insuffisantes » ont finalement tranché les magistrats, soulagés de se débarrasser d'un « boulet » réputé plomber depuis trop longtemps les relations entre la France et un Etat phare d'un certain miracle économique africain.
D'autres, avec plus ou moins de sincérité, portés par de fortes convictions supposément anticolonialistes et une compassion pour les victimes tutsies interdisant le moindre doute, poursuivent un combat dont la France, « complice », estiment-ils, des génocidaires hutus, reste le seul et principal objectif. Et gare à qui ne partage pas leur credo, en partie ou en totalité, et se voit immédiatement qualifié de « négationniste ». A leurs yeux, et en dépit d'années de recherches sur le sujet, les deux journalistes et essayistes auxquels Marianne donne aujourd'hui la parole, appartiennent à cette catégorie infamante. Journaliste canadienne, ayant travaillé aussi bien pour RFI que le quotidien anglophone Globe and Mail, Judi Rever n'a jamais cessé d'interroger l'angle mort du génocide et y a d'ailleurs consacré un ouvrage, Praise of blood, the crimes of the Rwanda patriotic front, récompensé par de nombreux prix. Convaincue depuis longtemps que le FPR de Paul Kagamé n'a pas les mains aussi propres qu'il le prétend, elle va aujourd'hui plus loin et l'accuse d'avoir pris part aux massacres des Tutsis, en infiltrant les milices du Hutu-Power. Avec un objectif politique conduit en tout cynisme : s'imposer comme le seul recours légitime face aux génocidaires. Elle s'attache tout particulièrement à un épisode central du génocide, le massacre, sur les collines de Bisesero, de plusieurs dizaines de milliers de Tutsis pour lesquels les militaires français n'auraient pas levé le petit doigt. Basée sur de nombreux témoignages, nécessairement anonymes en raison du climat de peur que Kagamé fait régner chez ses opposants exilés à l'étranger, c'est son enquête.
Mais elle s'inscrit dans le fil de celles que notre collaborateur Pierre Péan, mort en juillet dernier, a mené sans relâche, malgré les campagnes d'insultes et d'intimidation. « Fils spirituel » du disparu, le journaliste franco-camerounais Charles Onana a, lui, publié pas moins de six ouvrages sur la tragédie. Dans le même état d'esprit : ne pas céder à la seule loi de l'émotion et examiner les faits avec les outils de la raison. Dans un entretien avec Marianne (publié dans notre numéro double de fin d'année actuellement en kiosques), il revient sur son dernier ouvrage, La vérité sur l'opération Turquoise où il démonte les accusations contre la France et comment le FPR en a fait son miel.
Pendant vingt-cinq ans, Etats et médias internationaux ont fait de Paul Kagamé le libérateur d’un pays poussé au bord de la folie en 1994. Des chercheurs du monde entier ont essayé, à grand peine, de comprendre comment tant de Tutsis ont pu être exterminés si rapidement dans ce petit pays d’Afrique centrale, en l’espace de cent jours. D’après l’histoire officielle, telle que rapportée dans les livres et par les survivants du Rwanda étroitement contrôlés par Kagamé, c’est le précédent gouvernement hutu et ses bourreaux volontaires qui décidèrent d’exterminer la minorité tutsie à la machette, dans une tentative désespérée pour se maintenir au pouvoir.
Alors qu’il y a quelques désaccords sur l’estimation du nombre de victimes tutsies, entre 500 000 et un million, il n’y a pas de controverse historique sur le niveau de brutalité et l’ampleur de la disparition des Tutsis d’avril à juillet 1994. Bisesero, fief tutsi où des dizaines de milliers de victimes furent tuées à la hache, à l’arme à feu ou brûlées par des hordes de tueurs, est régulièrement cité comme exemple de la forme la plus « pure » du génocide des Tutsis en 1994.
Et pourtant, pour Martin, l’identité de l’organisateur et responsable ultime des massacres abominables de Bisesero ne fait aucun doute. Il affirme que le cerveau en était Paul Kagamé lui-même.
Dans ce pays où Hutus et Tutsis se ressemblent quelquefois beaucoup, partagent la même langue et la même culture, Kagamé et ses chefs militaires mirent au point une stratégie d’ « intoxication » qui passera à la postérité. Au cours de leurs actions, les soldats tutsis de Kagamé se dissimulaient sous l’uniforme de la milice hutue pour s’en prendre aux civils. La terreur engendrée par le carnage provoqua autant d’horreur que de dégoût sur place et à l’étranger, donnant au FPR le capital politique nécessaire à la réalisation de ses ambitions nationales et internationales.
INFILTRER, DISSIMULER ET TROMPER
Martin et quatre autres soldats de Kagamé affirment aujourd'hui que des commandos issus des bataillons du FPR ont infiltré la milice hutue et ont sauvagement massacré les Tutsis de Bisesero. Ils les décrivent enlevant les Tutsis chez eux ou les poussant des collines dans les ravins à l’aide de houes et de gourdins improvisés, de matraques plantées de clous et de métal coupant, frappant les victimes à la tête et au cœur.
Mes sources, qui m'ont pratiquement toutes réclamé un total anonymat pour des raisons de sécurité évidente, établissent que des centaines de membres des commandos FPR effectuèrent une descente sur Bisesero et les zones environnantes de Mumubuga, Uwingabo, Mataba, Kagari, Ngoma, Muyira et, au-delà, dans la région de Kibuye. Aux côtés de la milice hutue dite Interahamwe, ces commandos lancèrent une série d’attaques initiales dans la région, du milieu à la fin du mois de mai 1994, au plus fort du génocide. La milice Interahamwe était la jeune garde du parti au pouvoir du président Juvenal Habyarimana, le MRND, (Mouvement révolutionnaire national pour le développement) dont de nombreuses recrues étaient au chômage, exilées et affamées. Il est également avéré que des commandos du FPR avaient infiltré les milices des partis hutus d’opposition.
Au début des attaques de ces milices « mixtes », les Tutsis de Bisesero organisèrent une résistance inhabituellement efficace, combattant les tueurs à l’aide de lances et d’autres armes traditionnelles. Ils démontrèrent un courage et une force si remarquables que Kagamé lui-même y fit référence dans un de ses discours : « Une exception majeure au schéma d’abandon et de désespoir est à noter dans les annales horribles du génocide. La résistance organisée par des milliers de Tutsis, pour la plupart sans armes, à Bisesero, dans la province de Kibuye, à l’Ouest du Rwanda, est en elle-même un témoignage de la détermination d’un important groupe de la population à ne pas devenir des victimes. » Et cependant, par une de ses opérations les plus diaboliques et les mieux planifiées de 1994, c'est bien le FPR qui finit par écraser la résistance des Tutsis de Bisesero, s’assurant de leur mort par milliers fin juin, alors que l’armée française arrivait au Rwanda pour y conduire une mission d'aide humanitaire.
D’après plusieurs témoins ayant fui le Rwanda, ce sont les commandants en chef bénéficiant de sa plus grande confiance, James Kabarebe et Charles Kayonga, que Kagamé chargea d’organiser l’opération de Bisesero. Kabarebe était le responsable des gardes du corps de Kagamé au bataillon du Haut Commandement et Kayonga celui du 3ème bataillon basé à Kigali, la capitale, et par lequel transitaient les commandos avant de se déployer dans les provinces. Kabarebe et Kayonga inondèrent la région d’un nombre toujours croissant de commandos et d’armes - grenades et fusils en particulier - puis reçurent un appui militaire d’un petit groupe de soldats de l’armée du président Juvenal Habyrimana à Kibuye.
Toutefois, un ancien haut responsable du renseignement du FPR, confirmant au passage le rôle déterminant de celui-ci dans le massacre de Bisesero, affirme que les forces militaires hutues officielles avaient fui la région vers la fin juin et ne prirent pas part directement à la tuerie des Tutsis. « C’est pure fiction, explique-t-il. Quand les Tutsis de Bisesero furent tués par les commandos Interahamwe et le FPR, les FAR (Forces armées rwandaises) étaient en fuite. »
Martin affirme qu’il sait ce qui est arrivé à sa famille et aux autres Tutsis de Bisesero parce que ceux qui ont participé à l’opération le lui ont dit et qu'ils étaient membres des commandos des bataillons de Kagamé.
Cinq anciens membres de l’armée de Kagamé ont communiqué les noms de quelque quarante « collègues » impliqués dans les massacres de Bisesero. Il s’agissait essentiellement de Tutsis et d'éléments de plusieurs bataillons du FPR, entre autres le 11ème bataillon, le 10ème et l’unité mobile Charlie. Selon trois de mes sources, plusieurs membres des commandos exprimèrent un profond remord du massacre des Tutsis. Quelques-uns se disaient « malades » et traumatisés d’avoir tué des coreligionnaires mais n’avaient pas eu le choix par peur d’être eux-mêmes exécutés pour insubordination. Pour des raisons de confidentialité et éviter des recoupements qui les mettraient en danger, les noms de ces participants ne sont pas mentionnés. Certains ont été assassinés par le FPR après le génocide, mais beaucoup sont encore en vie et pourraient être éliminés, à l'instar du sort funeste du dissident Patrick Kareyega, l'ancien chef des services secrets de Kagamé, assassiné en Afrique du Sud.
La plupart des anciens militaires qui se sont confiés à moi ont trop peur de parler à visage découvert, au risque de leur vie. Il y en a pourtant un, ayant quitté le Rwanda il y a plus de dix ans, qui a accepté de sortir de l’ombre et d’être identifié. Il s’appelle James Munyandinda et appartenait au bataillon du Haut Commandement, l’une des gardes rapprochés de Kagamé. James est certain que celui-ci, Kabarebe et Kayonga donnèrent aux commandos du FPR l’ordre des tueries de Bisesero, et du Rwanda en général. Et pour cause : il assure les avoir entendus discuter des opérations sur leurs talkies-walkies Motorola en mai, juin et début juillet. « J’ai entendu Kagamé demander par radio à Kabarebe comment ça se passait à Bisesero. Il a dit : "Quelles nouvelles ?" Il a aussi demandé à Kabarebe si les massacres avaient réussi » déclare James Munyandinda, lequel, en tant que garde du corps accompagnait partout le dirigeant du FPR. Et ce n'est pas tout : selon lui, Kabarebe a réclamé à Charles Kayonga un rapport de situation pour Bisesero. Il a entendu Kabarebe prononcer le mot - « abatabazi », c’est-à-dire « intervenants » en kinyarwanda, le mot de code pour commando. D’après Munyandinda, Kabarebe s’est également enquis du nombre de personnes massacrées et Kayonga a répondu en disant que tout se déroulait « sans accroc ».
Si Kabarebe et Kayonga ont organisé l’infiltration des bandes de tueurs à Bisesero, et ailleurs au Rwanda, les autres témoins affirment que le plan fût conçu et coordonné par deux des plus habiles et hauts dignitaires de l'entourage de Kagamé : il s'agirait de Kayumba Nyamwasa et Emmanuel Karenzi Karake. Nyamwasa était alors le chef de la Direction du renseignement militaire (DMI pour Directorate of Military Intelligence) et Karake l’officier de liaison du FPR avec la Minuar (la Mission des Nations-Unies pour l'assistance au Rwanda) et le Neutral Military Observation Group (GOMN) de l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine) avant le génocide. Les rapports de Karake avec l’UNAMIR et le GOMN lui donnaient un accès privilégié à la capitale et aux provinces, lui permettant ainsi de collecter des renseignements, de superviser l’infiltration de l’ensemble du pays, de recruter de nouveaux membres, de fomenter le sabotage et d’organiser les crimes.
Toutefois James Munyandinda dit ne pas penser que Nyamwasa fût impliqué dans l’organisation des commandos FPR et la décision de les infiltrer parmi les milices hutues. En tout cas, il ne dispose d'aucune preuve tangible établissant que Nyamwasa ait joué un rôle dans le massacre des Tutsis à Bisesero. Il insiste sur le fait que l’opération était chapeautée par le Haut Commandement du FPR sous l’autorité de Kagamé et supervisée par Kabarebe et Kayonga. « Je n’ai aucune preuve qu’en tant que chef du DMI, Nyamwasa ait eu affaire avec le réseau des commandos. Les massacres des Tutsis à Biserero et ailleurs au Rwanda ont été organisés par le Haut Commandement, qui a supervisé beaucoup d’autres opérations spéciales », insiste-t-il.
LES CADRES POLITIQUES
Les cadres civils du FPR, appelés « abakada », travaillaient sur le terrain avec les responsables hutus de divers partis d’opposition comme le PL, le PSD et le MDR pour assurer l’infiltration des milices hutues. D’après les témoignages, ces responsables facilitaient la fabrication de fausses cartes d’identité hutue ainsi que de fausses cartes de membre du MRND pour les commandos.
D’après les soldats interrogés, les cadres supérieurs du FPR qui supervisèrent les opérations de Bisesero étaient de la préfecture de Kibuye. Dans les mois précédant le génocide, ces cadres tutsis stockèrent des grenades et des armes traditionnelles chez eux et convainquirent d’autres Tutsis d’en faire autant.
Selon les témoins toujours, l’effectif des commandos déployés au Rwanda atteignait plusieurs milliers. Ils comprenaient des membres tutsis du FPR se faisant passer pour des Hutus et des Hutus recrutés pour suivre une formation commando par des cadres de leur ethnie mais opposés au gouvernement Habyarimana. C’est parce qu’ils voulaient affaiblir le gouvernement Habyarimana sur le terrain, comme aux yeux de la communauté internationale, que ces représentants de l’opposition participèrent à cette infiltration, main dans la main avec le FPR, même si on ne peut vraiment établir que ces opposants hutus étaient complètement avertis de la stratégie visant à l’extermination.
Les Tutsis de l’intérieur, c'est-à-dire ceux vivant au Rwanda par opposition à ceux qui grandirent comme réfugiés en Ouganda, au Burundi, au Congo et en Tanzanie, furent sacrifiés sur l’autel des vastes ambitions du FPR. « Kagamé s’est servi des Tutsis de l’intérieur comme d’une passerelle pour atteindre le pouvoir. Il a tué les Tutsis puis a fait tout son possible pour convaincre le monde que les seuls responsables étaient les Hutus », déclare James Munyandinda.
« Kagamé est bien vu du monde entier parce qu’il a fait croire qu’une majorité de Hutus a tué les Tutsis et que dans l’holocauste rwandais, il a été le défenseur des victimes. Mais nous savons tous ce qui s’est passé », déclare un autre témoin. « Kagamé joue encore cette carte aujourd’hui. Depuis toujours sa stratégie a été de conquérir le pouvoir et de devenir le leader du pays. »
LA PRÉPARATION DES TUEURS
Débutée en février 1992, la formation des commandos se termina en août 1993. Le FPR les entraîna secrètement par vagues, d’abord dans un endroit du nom de Kavu, au Nord du Rwanda, puis dans la vallée proche de Karama, au sein d’une bananeraie. « Ils tiraient, couraient, sautaient, un groupe après l’autre. Parfois 80 à la fois, parfois 200, ou même 300. » A la fin 1993, explique un officier supérieur, les commandos constituaient un groupe très important. Les soldats affirment que plusieurs milliers de jeunes hommes suivirent la formation commando et furent déployés à Kigali et dans tout le Rwanda en janvier 1994, prêts à agir après l’assassinat d’Habyarimana le 6 avril 1994. Cinq témoins au courant du détail de l’opération de Bisesero expliquent qu’un capitaine surnommé « Kiyago » était le chef des commandos de Kagamé. James Munyandinda précise : « Par radio, Kabarebe recevait matin et soir directement de Kiyago les rapports des activités sur le terrain. »
Le capitaine Kiyago est cité comme l’auteur de crimes graves dans un rapport d’investigation confidentiel de l’ONU. Il est connu, parmi d’autres, pour avoir infiltré la milice hutue pour le compte du FPR et pour avoir directement participé à la tuerie des Tutsis. En 2008 il fut inculpé par un juge espagnol pour activités terroristes concernant des faits commis avant le génocide. En dépit de l’inculpation en Espagne et de l’enquête menée par le TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda) Kiyago rejoignit la force de paix conjointe UN-Union Africaine au Darfour en tant que directeur des transports, de 2009 à 2011. Les anciens collègues de Kiyago le décrivent comme sadique et dangereux. « C’était quelqu’un prêt à n’importe quoi pour se mettre en avant et Kagamé s’est souvent servi de lui », dit un officier qui l'a connu lors des premiers combats communs dans l’armée de résistance nationale rebelle (National Resistance Army) de Yoweri Museweni, l'indéracinable président ougandais, ami et protecteur de Kagamé et du FPR. Kiyago, Godfrey Ntukayajemo de son vrai nom, appartient à l’ethnie hutue et a grandi à Kisoro dans la région Ouest de l’Ouganda, district de Rutiga, d’où est originaire Jack Nziza, longtemps responsable du renseignement militaire du Rwanda. Bien que hutu, Kiyago fut enrôlé dans l’armée rebelle de Museveni dans les années 1980 en même temps que de nombreux Tutsis rwandais en exil en Ouganda. A cause de son apparence et de son accent – « Il parlait comme ses cousins hutus de Ruhengeri (Nord-Ouest du Rwanda) », explique un officier supérieur, on le sélectionna pour infiltrer la milice Interahamwe. « Kiyago a dirigé les plus importantes missions du FPR. Il était toujours actif. »
On le soupçonne de l’assassinat de Félicien Gatabazi, homme politique d’opposition Hutu, en 1994, crime qui encouragea la violence dans la montée vers le génocide, donnant un avant-goût du cauchemar à venir. Des témoignages le citent également comme ayant aidé à massacrer Lando Ndasingwa, sa femme Hélène Pinsky, une Canadienne, et leurs deux enfants une fois déclenché le génocide. Dès le premier jour en fait. Ministre tutsi du gouvernement de transition d'Habyarimana, Lando était le frère de Louise Mushikiwabo, devenue plus tard, en 2009, la ministre des Affaires étrangères de Kagamé et récemment promue, en 2018, secrétaire générale de la Francophonie.
D’après plusieurs sources, Kiyago a été condamné pour avoir violé et tué une femme et sa fille alors que cette famille insistait pour récupérer sa maison qu’il avait confisquée après le génocide. Il fut condamné pour meurtre, fit un séjour en prison puis bénéficia d’une remise de peine et s’engagea comme soldat de la paix de l’ONU au Soudan. Le Globe and Mail, journal canadien, a publié en 2014 des enregistrements selon lesquels en 2011 on fit initialement appel à Kiyago pour assassiner les dissidents Kayumba Nyamwasa et Patrick Karegeya. Mais il ne fut finalement pas choisi, probablement à cause du mandat d’arrêt international lancé contre lui par l’Espagne.
Ses anciens collègues, qui connaissent bien Kiyago, signalent sa page Facebook actuelle, sous le nom de Kiyago Godfery. On trouve sur son compte des photos où il saute en l’air avec des étrangers dans le parc Akagera du Rwanda, comme s’il était leur guide, ainsi que de paisibles photos de sa mère, de ses enfants, de quelques femmes dont il a été proche et aussi une photo de Kagamé avec son fils et sa fille en treillis militaire. Il y a également des photos simples de sa jeunesse et des portraits décontractés plus récents, à l’âge mûr. Il fait référence à sa période au Darfour comme chauffeur pour les Nations unies et affiche le truquage photo sanglant d’un homme masqué arrachant son cœur pour l’offrir à une femme. Une mention de 2018 dit : « Ce n’est que dans la nuit que l’on voit les étoiles », une variation d’une citation de Martin Luther King Jr.
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Rétablir la vérité sur l'Opération Turquoise - Causeur
Chercheurs, journalistes, militants associatifs et surtout l'actuel régime de Kigali s'acharnent à soutenir régulièrement que les militaires français, qui se sont déployés dès le 22 juin à...
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Chercheurs, journalistes, militants associatifs et surtout l’actuel régime de Kigali s’acharnent à soutenir régulièrement que les militaires français, qui se sont déployés dès le 22 juin à Goma (Zaïre), puis les jours suivants au Rwanda, ont commis ou soutenu les pires crimes contre l’Humanité dans ce pays. Un ancien officier français, Guillaume Ancel, est d’ailleurs venu prêter main forte aux accusateurs déjà nombreux, apportant, à travers ses interventions publiques, une forme de crédit ou de « légitimité » à ces accusations.
Les autorités rwandaises chargent les Français
Simplement, peu de personnes ont pris le temps d’examiner le bien-fondé de ces accusations ou les preuves apportées par les accusateurs pour étayer leurs dires. C’est bien l’exercice auquel je me suis astreint pendant plus de dix ans en interrogeant des témoins clés et en scrutant diverses archives dont celles du conseil de sécurité de l’ONU, de la Mission des Nations Unies pour l’Assistance au Rwanda (MINUAR), de l’Élysée, du président Clinton et du ministère français de la Défense. Au-delà de la distance critique nécessaire vis-à-vis de toutes ces archives, la meilleure garantie d’obtenir un résultat irréfutable dans l’examen des accusations a été l’analyse de la stratégie militaire des acteurs présents sur le terrain. Ainsi, j’ai passé au crible l’action militaire de la force multinationale Turquoise, celle de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) dirigée par Paul Kagame, celle des Forces Armées Rwandaises (FAR) et, in fine, celle des casques bleus de la MINUAR.
Cette précaution permet, en cas de non-divulgation de certains documents pour des raisons propres au secret-défense ou à la raison d’État, de saisir les véritables ordres donnés aux soldats mais aussi les objectifs politiques poursuivis par les uns et les autres. L’action militaire finit par trahir la prescription politique.
En outre, mon hypothèse de départ était de considérer que les accusations portées contre l’Opération Turquoise étaient vraies, mais qu’il fallait toutefois prouver leur véracité. Ainsi, je suis allé à la recherche des preuves et des sources sur lesquelles les accusateurs se sont appuyés. Ma surprise fut grande tant les articles publiés étaient pauvres, les déclarations creuses, incohérentes et truffées d’erreurs factuelles. Pour être précis, il est nécessaire de prendre des exemples de ce qui est allégué tantôt par les autorités rwandaises elles-mêmes, tantôt par des journalistes ou des militants français.
La première accusation est que les soldats de l’opération Turquoise sont partis au Rwanda non pas pour effectuer une mission humanitaire décidée par le Conseil de sécurité de l’ONU mais plutôt pour soutenir un régime hutu en perdition. Le soutien de la France serait donc, d’après le ministre rwandais de la Justice, Tharcisse Karugarama, à la fois « diplomatique et militaire ». Cette accusation, clairement formulée dans un communiqué du 5 août 2008 par le régime de Paul Kagame, repose sur le seul fait que l’ancien ministre rwandais des Affaires étrangères Jérôme Bicamumpaka avait été reçu au Quai d’Orsay vers la fin du mois d’avril 1994. Cette visite, qui avait pour but d’obtenir un appui des autorités françaises pour freiner l’escalade de la violence et un cessez-le-feu entre les rebelles tutsis de l’APR et les forces gouvernementales hutues (FAR), s’est soldée par un échec. Les dirigeants français ayant refusé de donner la moindre suite au ministre rwandais des Affaires étrangères que les rebelles traitaient déjà de « génocidaire ».
Après examen des documents des ministères français de la Coopération et des Affaires étrangères, le seul fait d’avoir reçu monsieur Jérôme Bicamumpaka serait en soi la preuve d’un soutien de la France aux « génocidaires ». Aucun autre élément n’est apporté à l’appui de cette accusation. Quant à la position de la France au Conseil de sécurité, il n’existe aucune déclaration, aucun document attestant d’un quelconque soutien de la France au gouvernement intérimaire auquel appartenait l’ancien ministre rwandais des Affaires étrangères ; preuve supplémentaire, ce ministre a été acquitté de tous les chefs d’accusation devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR). La conclusion sur ce point est que même si les dirigeants français ont accueilli monsieur Bicamumpaka en avril 1994, ils n’ont jamais reçu à travers lui un « génocidaire » comme cela est inlassablement répété depuis deux décennies ! Ainsi, l’accusation de soutien « diplomatique » de la France à de prétendus « génocidaires » ne repose finalement sur rien.
La deuxième accusation habituelle est la livraison d’armes par des éléments de l’opération Turquoise aux FAR en territoire zaïrois. Elle est soutenue par le même ministre Tharcisse Karugarama, et amplifiée par le journaliste Patrick de Saint-Exupéry et depuis un certain temps par le capitaine Guillaume Ancel, qui était à l’époque officier au sein de l’Opération Turquoise.
Le journaliste Patrick de Saint-Exupéry et l’officier Guillaume Ancel incapables de produire des preuves
La source sur laquelle s’appuient les dirigeants rwandais actuels serait une déclaration du colonel Luc Marchal, officier belge de la MINUAR qui a préfacé mon ouvrage. Celui-ci m’a confirmé n’avoir jamais déclaré avoir vu une livraison d’armes des militaires français aux FAR.
Quant au journaliste Patrick de Saint-Exupéry, il a constamment brandi un mystérieux témoin anonyme qui serait un haut fonctionnaire de l’Élysée. Sommé par les juges au tribunal de grande instance et de la cour d’Appel de produire des preuves relatives à ses accusations contre les militaires de l’Opération Turquoise suite à une plainte de ces derniers, il s’est présenté, à chaque audience, les mains vides et sans la présence du « haut fonctionnaire de l’Élysée » dont on ne sait s’il a jamais existé. Au final, il a été condamné à deux reprises et les magistrats de la cour de cassation ont même estimé que ce qu’il impute aux soldats de Turquoise ne repose pas « sur une base factuelle suffisante » autorisant leur mise en cause. Le capitaine Ancel, soutenant les mêmes accusations que Patrick de Saint-Exupéry, n’a pas, non plus, apporté, au-delà de ses déclarations péremptoires, d’éléments précis permettant de savoir à quels officiers des FAR les armes auraient été livrées et quelles armes précisément auraient été livrées en juillet 1994. L’autre problème avec cet officier français est qu’il a rédigé un rapport de fin de mission le 15 septembre 1994 sans faire une seule fois état d’une quelconque livraison d’armes aux FAR et qu’il a accordé une interview à la Nouvelle Revue d’Artillerie publiée en décembre 1994 sans mentionner cette livraison d’armes. Au surplus, les actes évoqués dans ce réveil tardif et totalement imprécis seraient en contradiction totale avec les instructions du chef d’état-major de l’armée française, l’amiral Lanxade, et avec la politique conduite par le président François Mitterrand et par le Premier ministre Edouard Balladur. Aux vues des réserves extrêmes de ce dernier, aucun militaire de Turquoise ne pouvait prendre un tel risque au demeurant non conforme au mandat de l’ONU.
En examinant seulement ces quelques accusations qui prospèrent depuis vingt-cinq ans dans nombre de médias français et dans certains milieux universitaires, elles apparaissent toutes fragiles, inconsistantes voire erronées.