Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Knock on Wood

Schiller et les Soeurs aimées

5 Mai 2019 , Rédigé par Ipsus Publié dans #Comme au CINEMA, #Dans L'AIR DU TEMPS

Dans l’Allemagne de la fin du XVIIIe siècle, l’écrivain Friedrich Schiller entame une relation avec deux soeurs... Par Dominik Graf ("L’année du chat"), un triangle amoureux magnifiquement interprété et mis en scène. (2013)

Rudolstadt, 1788. Tandis que Charlotte von Lengefeld désespère de trouver l’amour, sa sœur Caroline, qui a accepté de se marier pour sauver sa famille de la ruine, s’ennuie fermement au côté de son époux. Au cours de l’été, elles font la connaissance de Friedrich Schiller. Toutes deux tombent sous le charme du fougueux écrivain aux idées progressistes, avec qui elles échangent des messages cryptés. Mais leur ménage à trois, d’abord harmonieux, ne tarde pas à susciter commérages et rancœurs…

 

Parfum de scandale
Le prolifique cinéaste allemand Dominik Graf s’est librement inspiré d’une lettre passionnée du dramaturge Friedrich Schiller, adressée aux sœurs von Lengefeld, pour tisser cette touchante romance triangulaire sur fond de Sturm und Drang – "Tempête et passion", comme on désigne le préromantisme allemand –, d’idéaux révolutionnaires et de paysages luxuriants, capturés dans une succession de plans picturaux. Entre pureté des sentiments et éclats de crudité, une fresque historique intimiste, transcendée par un formidable trio d’acteurs.

 

 

 

Tandis qu'en France, une révolution est en train d'avoir lieu, on fait connaissance avec l'univers bucolique d'une noblesse de plus en plus désargentée qui accorde autant d'importance aux mariages de convenance qu'au soutien des gens de lettres  et, entre ces deux pôles, voit petit à petit ses moeurs évoluer vers un certain libéralisme romantique.

La "place" des femmes en particulier va se modernisant : à peine arraché à sa relation fougueuse et adultère avec Charlotte von Kalb, le jeune Schiller, déjà auréolé du prestige de sa pièce Les Brigands, va entrer dans l'univers très féminin des soeurs Von Lengefeld et de leur maman, désormais veuve, qui tient au protocole (elle ne parle à ses filles qu'en français et pense aux questions d'argent) mais n'est pas étrangère à la loi des sentiments.

Les trois femmes, très liées et affectueuses entre elles, ont même décidé de former un pacte, amendé au fur et à mesure que Caroline (dite Line), qui s'est mariée à un homme qu'elle abhorre pour son argent (et pour que Charlotte, dite Lolo, n'ait pas à faire la même chose), revient sur son sacrifice pour profiter elle aussi de l'amour de Schiller.

Bien que Line et Lolo semblent pendant deux tiers du film tout à fait à l'aise avec cet amour d'abord parfaitement triangulaire (Schiller trouve même le moyen d'écrire aux deux en même temps, une plume dans chaque main) qui donne lieu à une scène d'accouchement étonnante où une soeur repose sur le ventre de l'autre tandis qu'elle met son enfant au monde, l'alternance qu'il finit par requérir, bien soulignée par le mouvement de pendule des correspondances échangées tout au long du récit, finit tout de même par causer des rancoeurs et déceptions.

D'ailleurs, l'amour idéal qui naît sous nos yeux est avant tout présenté comme un horizon à atteindre, une réalité qui ne prendra vraiment forme qu'après ("Quand nous serons à Weimar...", répètent les personnages à l'envi), une fiction nourrie par la plume.

Si en près de trois heures, Beloved Sisters ne réinvente pas particulièrement le genre de la biographie romancée en costumes, cette place accordée au texte est un de ses éléments les plus intéressants : au-delà de l'origine épistolaire dont le récit tire en grande partie sa forme (il est scandé par la lecture, directe ou en voix off, des lettres échangées par les personnages, et par l'image récurrente de la plume grattant gracieusement le papier), il est aussi question de messages codés, des progrès de l'imprimerie qui font rêver Schiller d'un futur où tout le monde aura accès aux livres, de la popularité des romans par épisodes... C'est peut-être cette dernière forme qu'a voulu reprendre Graf en faisant un film-fleuve. 

Le poète et dramaturge est, en Allemagne, un héros national, mais sans doute le méconnaît-on assez largement de ce côté-ci du Rhin. Sait-on même que c'est à lui qu'on doit L'Ode à la joie, qui clôt la fameuse Neuvième Symphonie de Beethoven - laquelle Ode est en outre aujourd'hui l'hymne européen ?

La voie suivie par Schiller pour rejoindre le classicisme reflète une évolution longue et profonde de sa poétique.

Après avoir abandonné son intention première de réaliser avec Don Carlos sa première tragédie classique (1784-1787), Schiller accumule au cours des années qui suivent (1788-1793), par ses études sur l’Antiquité, par ses travaux d’historiographie et ses réflexions sur l’autonomie de l’art, un savoir et une expérience qui lui permettront de franchir les derniers pas vers la poésie classique.

Schiller et les Soeurs aimées

Au moment où l’esthétique se constitue comme discipline, le poète et penseur allemand Friedrich Schiller (1859-1805) se consacre à une éducation esthétique de l’homme, dont les Lettres, écrites en 1795, portent le nom.

Schiller y développe l’idée de la formation d’une intelligibilité du sensible et par le sensible.

Il en voit le besoin urgent pour l’époque qui, au nom de la liberté, vise l’émancipation de l’entendement.

Or, l’expérience humaine ne peut pas être « complète » dans ce registre.

Seules les expériences esthétique et artistique peuvent, selon l’auteur, perfectionner l’homme et permettre l’élévation du sentiment.

Les enjeux éthiques et politiques auxquels répondait Schiller nous semblent plus que jamais d’actualité et nous proposons ici de saisir les principaux éléments de sa culture esthétique.

La position de Schiller à l’époque des Lumières

Les Lumières n’ont de valeur pour l’entendement que dans la mesure où elles s’ancrent dans le caractère, dont elles découlent en réalité, car le chemin vers la pensée doit être ouvert par le cœur.

La formation du sentiment est donc l’urgence du siècle, non seulement parce qu’elle est un moyen de rendre plus efficace la connaissance dans nos vies, mais parce qu’elle améliore nos vues[3].

La formation du sentiment dont parle Schiller est littéralement la « capacité à ressentir » : das Empfindungsvermögen.

C’est, selon lui, la cheville ouvrière, le nerf de l’époque.

Si pour devenir majeur et s’émanciper des tutelles religieuses et politiques, l’individu doit effectivement faire usage de son propre entendement, il court cependant le danger de s’abstraire de ses facultés sensibles.

En investissant sa liberté dans une rationalité aveugle, l’homme s’assujettit à nouveau : il perd l’efficacité de la connaissance « dans la vie », c’est-à-dire le rapport entre raison pure et raison pratique.

  • Friedrich Schiller et les écrivains français.
  • Du génie dramatique révolté au chantre de l'humanité
  •  

  https://t.co/nybP7BrFYW

Partager cet article

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :