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Knock on Wood

Notre Dame de Paris et nouveaux enjeux

17 Avril 2019 , Rédigé par Ipsus Publié dans #Dans L'AIR DU TEMPS, #PARIS & ILE de FRANCE, #Histoire & Archeologie

Avons-nous les compétences pour rebâtir Notre-Dame ?

 

Oui, et c’est sans doute la seule bonne nouvelle de cette tragédie. Nous avons en France des filières d’excellence qui savent former des tailleurs de pierre, des charpentiers, des couvreurs, des menuisiers, des ébénistes, ce que l’on appelle les métiers du « clos et couvert », ce qui touche à l’enveloppe du bâtiment.

 

Nous avons aussi des maîtres verriers, des facteurs d’orgues, des ferronniers, des sculpteurs, des restaurateurs d’œuvres d’art, de peinture et de statuaire, des marbriers… La France a la filière de formation et les savoir-faire, ce qui vient d’ailleurs de la richesse et de la qualité de notre patrimoine qu’il faut préserver. Leurs compétences sont recherchées dans le monde entier.

 Cela va créer des débats similaires à ceux que l’on a vus lors de la construction de la Pyramide du Louvre, dans le cadre de la restauration du palais.

Certains défendront le fait qu’il faut une signature contemporaine à l’édifice, car ce qui a disparu ne sera plus jamais pareil.

D’autres qu’il faut reconstruire à l’identique mais alors, pour éviter que cela soit trop long et coûteux, faudra-t-il prendre des raccourcis contemporains qui préserveront les apparences ?

C’est ce qui a été fait dans la reconstruction de la cathédrale de Reims, après la Première Guerre mondiale. On l’a rebâtie en la coiffant d’une charpente de béton.

 

 Il faudra s’adapter, composer, innover.

La pierre d’origine provenait de la Montagne Sainte-Geneviève, aujourd’hui couverte de maisons ? Il faudra aller chercher plus loin du calcaire d’Ile-de-France

Notre Dame de Paris et nouveaux enjeux
Notre Dame de Paris et nouveaux enjeux
Photo prise par ANA : LE JOUR D'APRES

Photo prise par ANA : LE JOUR D'APRES

 la chute impressionnante de la flèche : « Elle est tombée dans la nef mais dans sa chute, le coq s’est détaché et est tombé du bon côté sur un bas-côté, peut-être sur le chemin de ronde, en tout cas hors du foyer de l’incendie ».

 

Notre Dame de Paris et nouveaux enjeux

Projet de restauration de la façade occidentale de Notre-Dame de Paris

28 janv. 1843

«Ce ne sont plus tant les intempéries des saisons qui détruisent une si belle œuvre que la main des hommes.» 

C'est en ces mots qu'Eugène Viollet-le-Duc et Jean-Baptiste Antoine Lassus évoquaient, dans leur rapport intitulé 'Notre-Dame de Paris', les transformations et mutilations du célèbre lieu de culte :

 extrait de ce texte adressé à M. le Ministre de la Justice et des Cultes, le 31 janvier 1843  ( voir lien,ci-dessus) 

 
Notre Dame de Paris et nouveaux enjeux

NOTRE DAME :  « malgré une propagation spectaculaire liée au vent et à l’appel d’air que génèrent des incendies de ce type lorsqu’ils ne sont pas circonscrit rapidement, la charpente de la cathédrale a rempli sa fonction de stabilité au feu, puisque les premiers effondrements de charpente ont eu lieu plus d’une heure après la détection de l’incendie.

Ce délai a permis d’évacuer et de sécuriser l’ensemble du public, ce qui est l’objectif premier en sécurité incendie ».

L’intervention rapide des pompiers et la tenue au feu des charpentes bois ont permis de sauvegarder la plupart des structures maçonnées et une partie des biens de la cathédrale

https://t.co/uLSvfmUPlW

 la cathédrale parisienne n’a jamais connu d’incendie majeur au cours de ses huit siècles d’existence. Pourtant, avant l’invention du paratonnerre, en 1752, les départs de feu accidentels liés à la foudre étaient fréquents dans les églises

Pour Frédéric Létoffé, coprésident du Groupement des monuments historiques (GMH), qui regroupe 210 entreprises spécialisées dans la restauration du patrimoine, aucun doute. « Aucune compétence ne s’est perdue avec le temps. S’il nous fallait reconstruire une cathédrale de zéro, nous saurions le faire. »

Les entreprises du secteur emploient près de 9 000 salariés compagnons, c’est-à-dire desartisans formés aux techniques d’excellence de la taille de pierre, de la couverture, de la menuiserie (ce que l’on appelle le « clos et couvert »), de l’ébénisterie, du verre, de la ferronnerie, de la marbrerie… Autant de professionnels chevronnés, qui ont étudié leur art pendant près de dix ans et sont souvent passés par les rangs exigeants des Compagnons du Devoir.

Cette association, fondée en 1952, mais héritière d’une tradition de transmission du Moyen-Age, forme chaque année 10 000 jeunes, dans tous les corps de métiers, pas seulement du bâtiment. Ils constituent le gros des brigades des entreprises spécialisées dans le patrimoine. 

Notre Dame de Paris et nouveaux enjeux
Notre Dame de Paris et nouveaux enjeux

Robotisation, 3D, intelligence artificielle seront utiles, voire indispensables.

Depuis près de 25 ans, la petite entreprise Art Graphique et Patrimoine, 15 salariés, a cartographié numériquement et dans toutes ses dimensions, la cathédrale.

« Nous sommes en train de faire la somme de nos relevés, mais, entre 2010 et 2019, nous avons numérisé la presque totalité de Notre-Dame, point par point, au millimètre près. Nous pouvons déjà en faire des reconstitutions graphiques »

Impression 3D

Avant les travaux entamés au niveau de la charpente, les sociétés GEA et Life3D ont numérisé par scanner 3D à plusieurs reprises certaines parties de la cathédrale pour Europe Échafaudage, afin de leur fournir des plans, des élévations, des coupes, ainsi que des modélisations 3D. En avril 2018, c’est la poutraison du transept qui a fait l’objet d’une modélisation très précise.

De son côté, Andrew Tallon, professeur à Vassar, a utilisé le balayage laser pour créer une masse colossale de fichiers numériques de la cathédrale (et de biens autres édifices gothiques d'ailleurs). Ces fichiers pourront aider à reconstruire l'édifice ( voir video plus loin

Autre piste à creuser, l’impression 3D pour reproduire rapidement et à l’identique certaines pièces ou partie de pièces. Cette technique a déjà été exploitée lors de la dernière restauration de la cathédrale d’Amiens, où certaines sculptures, trop abîmées, ont été mises à l’abri et remplacées par des modèles imprimés en 3D. La même technique a été utilisée pour la restauration de l’Arc de triomphe de Palmyre détruit par Daesh… Pour un résultat qui ne fait l’impasse sur aucun détail du monument.

 

Notre Dame de Paris et nouveaux enjeux

En cette nuit funeste Notre-Dame de Paris brûlait ! Et tout autour, peu à peu, une immense foule se rassemblait. Impuissante, mais comme en communion de destin avec cet esprit de pierre tout en incandescence. Peuple silencieux. Puis, soudainement, chantant ou priant le « Je vous salue Marie ». Place Saint Michel, Quai d’Orléans, Pont Saint Louis, l’émotion se sublimait en un chant n’ayant rien d’offensif, mais où l’on entendait comme un écho d’une âme collective, qui, depuis le Moyen-Âge, entoure cette figure protectrice de la cité.

Nombreux sont ceux ayant célébré, tel Victor Hugo « Notre-Dame de Paris » (1831). Ne soulignent-ils pas que ses cloches, son bourdon en particulier, émeuvent les esprits les plus rassis et certains jours, enflamment l’ensemble de la ville.

Ce qui frappe est le climat de piété régnant autour de la cathédrale. Quelque chose d’une pensée méditante. Me vient à l’esprit la remarque de Heidegger, considérant « la pensée comme un exercice de piété ». Piété caractéristique de ceux qui sont pieux. Le pieu c’est, également, cette pièce de bois droite permettant d’être assuré et solide.

Notre-Dame comme un pieu fiché en terre pour servir de fondation à tout être ensemble.

La canaille médiatique sévissant dans la presse main-stream déplorait à loisir, cet incendie, car il mettait en danger l’attraction qu’exerçait cette église, mondialement connue et attirant 14 millions de touristes par an. La mettant, ainsi, sur le même plan que Disney World.

Réduction utilitariste à bien courte vue, ne saisissant pas la force de l’imaginaire, cause et effet d’une telle construction. Les bâtisseurs des cathédrales étaient animés par un autre objectif : une incarnation du sacré. Et l’émotion collective éprouvée en voyant cette cathédrale brûler n’est pas autre chose que l’irréfragable perdurance de ce que Joseph de Maistre nommait « le résidu divin ».

Résidu comme solide substrat de toute société, voire de toute culture. Résidu qui comme le pieu de la piété est, certes, enraciné en un lieu donné, mais ne manque pas de rayonner d’une manière on ne peut plus large. Et il suffisait d’entendre , dans la foule compacte, les murmures prononcés en nos langues latines, pour comprendre « l’unidiversité » dont Notre Dame de Paris est le symbole. Elle rassemble ce qui est épars. C’est le prototype de l’enracinement dynamique. Celui du « commerce », en son sens large, qui était pré-moderne, et qui sera, certainement, postmoderne.

« Commerce » que l’on retrouve dans le roman de Victor Hugo, où Quasimodo, Esmeralda, la Gitane et le beau Phoebus de Châteauperce se mêlent en une symphonie baroque où le parler en langues diverses n’en souligne pas moins l’unicité fondamentale autour d’un principe commun. En la matière, la nostalgie de l’ailleurs, celle de l’homme de désir, toujours taraudé par la transcendance.

C’est bien cela que les prières, les chants jaillissant spontanément, les pleurs surgissant sans honte traduisaient : une transcendance immanente, confortant, réconfortant un peuple rassemblé.

Durkheim parlait des « rites piaculaires » : rites de pleurs. Moments où l’émotion collective a une fonction charismatique, c’est-à-dire une fonction d’union, de communion. Renaissance d’un lien que l’individualisme moderne n’a pas réussi tout à fait à rompre et qui à certains moments retrouve une force et vigueur indéniables. Certes le bavardage médiatique ou politique « pérore » sur l’attraction touristique de la cathédrale, ce qui est bien loin d’être essentiel. Car au-delà ou en deçà du tourisme, la véritable attraction est spirituelle ou même sacramentelle. C’est-à-dire à l’image du sacrement, ce qui rend visible une force invisible. En la matière le besoin d’un au-delà  à l’enfermement égotiste propre à la modernité. Dialogie du visible et de l’invisible faisant fi de la marchandisation dominante.

Ainsi, au-delà de la destruction d’un joyau du patrimoine de l’humanité, la crainte se lisant sur les visages apeurés, c’était celle de voir disparaître un véritable « matrimonium » collectif. Lieu servant de matrice spirituelle à toute vie en société.

Mais tout comme dans une carrière humaine, il faut, selon l’expression de Saint Augustin : « In te ipsum redi », rentrer en soi-même afin de renaître à un plus-être. Tout est symbole. Dans la nef, la croix lumineuse sur l’autel central a continué à briller. Peut-être faut-il comprendre cet incendie comme « catabase ». Descente aux enfers étant l’indice d’une résurrection à venir. C’est bien cela que l’on ressentait dans la piété collective autour de Notre-Dame de Paris en feu !

 

Michel Maffesoli

Professeur Émérite à la Sorbonne      

 

L es 8 cloches de la tour nord et l'une des 2 cloches de la tour sud de Notre-Dame de Paris ont été fondées en 2012 dans la fonderie Cornille-Havard à Villedieu-les-Poêles dans la Manche.

Elles ont toutes été sauvées des flammes lors de l'incendie qui a ravagé la cathédrale lundi 15 avril en soirée. Les 400 pompiers mobilisés ont en effet réussi à protéger les deux grandioses tours de Notre-Dame du feu, qui a détruit une grande partie de la toiture de l'édifice.

Notre Dame de Paris et nouveaux enjeux

 En 2011 et 2012, financé par une fondation, Andrew Tallon a utilisé un scanner laser de Leica Geosystems pour mesurer très précisément l’intérieur et l’extérieur de la cathédrale. Il a placé son appareil et des cibles géolocalisées dans une cinquantaine d’endroits, afin de mesurer les distances entre chaque mur et pilier, recoin, statue ou autre forme – et enregistrer l’ensemble des imperfections intrinsèques à tout monument usé par les siècles. Il expliquait sa technique, également appliquée à la cathédrale de Canterbury,

Un scan laser permet de rendre transparentes des parties de la nef sud de la cathédrale nationale de Washington, DC.

L'analyse est une collection de points de données. une vue rapprochée les rend transparents

1999 : Restauration Notre-Dame / laser

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