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Knock on Wood

Qu’est-ce que la Démocratie d’Opinion en 2007 ?

12 Avril 2007 , Rédigé par Ipsus Publié dans #Réformes - Relance et Elections

 Dans un régime, comme la Ve République, où l'élection du Président se joue entre un homme - ou une femme - et l'ensemble des citoyens, quel rôle les partis politiques jouent-ils encore dans le choix du premier personnage de l'Etat ? La place grandissante qu'occupent les sondages d'opinion dans la vie politique française peut-elle modifier la nature de notre démocratie ?

http://www.diplomatie.gouv.fr/label_france/FRANCE/DOSSIER/INSTITU/presi.html

L'élection présidentielle  nous le rappelle : sous la Ve République, les grands rôles, en politique, sont tenus par une demi-douzaine de « présidentiables », autant de partis politiques et leurs dirigeants, ainsi que l'opinion - changeante - des quarante millions d'électeurs inscrits

    Les partis politiques auxquels ils appartiennent ont le plus grand mal à trouver le moyen de contrôler, par un quelconque mécanisme d'investiture, de tels hommes dans une compétition à enjeu aussi élevé. D'autant plus qu'aucun des grands partis - PS, UMP et UDF - n'est en mesure de mobiliser à lui seul la majorité absolue des suffrages exprimés nécessaires pour faire élire son champion.

    Le général de Gaulle, fondateur de la Ve République, a réussi à imposer l'idée que le Président de la République ne devait pas être l'homme d'un parti.

    « Le Président de tous les Français »

    Ainsi, tout présidentiable de gauche comme de droite se doit de prendre ses distances avec son parti d'origine, en sollicitant le soutien d'autres partis, en faisant campagne sur un programme personnel et en s'adressant directement à l'ensemble des électeurs. Ce qui donne aux présidentiables et, à plus forte raison, au Président élu une large autonomie politique par rapport à leur parti d'origine.

      Avec l'élection présidentielle la grande nouveauté, qui lui est en partie liée, est l'importance prise par les sondages -

 La « démocratie d'opinion », si l'on entend par là une sorte de « sondocratie », est un mythe. L'offre politique ne peut se calquer sur la simple demande électorale. La responsabilité politique ne se partage pas. Il reste que, dans un système de gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, rien n'est plus dangereux pour les élites politiques que de se couper du peuple en lui prêtant leurs propres discours.

La citation. « Il ne suffit pas d'avoir le bon message à faire passer et de maîtriser son texte. Encore faut-il connaître et anticiper le contexte, qui est devenu bien plus important que le texte », souligne Denis Muzet, directeur de l'Institut Médiascopie.

Shakespeare revisité...?

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La démocratie d'opinion triomphe
Par Alain DUHAMEL
 
L'originalité de cette campagne présidentielle, sa spécificité, c'est en effet la victoire de la posture sur le contenu, de l'émotion sur la réflexion, de l'image sur le projet, de la subjectivité sur la rationalité, de la flatterie sur la conviction, de l'individualisme sur la solidarité, de l'émiettement sur le rassemblement, de la démagogie sur la pédagogie, donc finalement du populisme sur la démocratie.
 Les candidats n'en sont pas les seuls coupables, les médias et les sondeurs en partagent la responsabilité.
 Pour ne pas être hypocrite, il faut reconnaître qu'il existait aussi, bien entendu, une forte demande sociale dans ce sens, que la tentation protestataire balayait au départ toute tentative de réflexion et d'approfondissement.

 Après un quart de siècle de déception, d'anxiété croissante, de ressentiment populaire, de scepticisme, de défiance, les quelques pics de réussite émergent difficilement au milieu des sombres nuages de la précarité, du chômage et de l'insécurité. Les électeurs ne croient plus aux vertus de la démocratie représentative. Ils étaient mûrs pour la démocratie d'opinion. En bons professionnels, submergés par le désir de s'imposer, donnant résolument la priorité aux objectifs sur les moyens, les candidats sont délibérément entrés dans ce jeu périlleux.

"La société française avait envie d'ordre juste et de nouveauté tranquille, les sondages allaient le démontrer, "

La campagne présidentielle a aussitôt tourné à l'assaut général contre le système. C'était à qui serait le plus rebelle, incarnerait le mieux la rupture,

Comme dit A.Duhamel " Ségolène Royal, François Bayrou, Nicolas Sarkozy, trois enfants gâtés de la Ve République, trois praticiens de la démocratie d'opinion."

" En 2002, les médias dominants avaient obsessionnellement concentré leurs caméras sur l'insécurité. En 2007, ils ont choisi de se prosterner devant la démocratie d'opinion, puisqu'ils pensent que là se trouvent l'audience, la mode, le succès et l'argent."

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http://lewebpedagogique.com/kierke/quest-ce-que-la-democratie-dopinion/

Beaucoup la critiquent ,mais  peu parviennent à donner un sens à cette expression. Cependant essayons de prendre ensemble du recul. Un auteur contemporain allemand, Jürgen Habermas, peut nous y aider. Dans un ouvrage, L’espace public, il nous donne quelques clés pour définir les contours de cette désormais fameuse “démocratie d’opinion”.

Emprise des sondages
Le Parlement, c’est-à-dire l’Assemblée et le Sénat, soutient Habermas, a subi une évolution majeure. D’organes du public, ils se sont autonomisés au point de ne plus servir les intérêts des citoyens.

L’introduction du marketing, de la communication et des relations publiques en politique témoigne duglissement du citoyen au consommateur, puisqu’il consiste à établir des techniques de séduction et d’influence du comportement de l’électeur.

Voir : " media-consommateur "

http://www.knock-on-wood.net/article-6321599.html

Les campagnes ne sont alors plus des luttes d’opinion, mais des luttes d’influence et de manipulation.

Les partis se sont transformés en vendeur de programmes et ne s’appuient, non sur l’opinion publique, mais sur l’opinion non-publique (= privée), recueillie grâce aux méthodes d’échantillonnage, élaborées par le marketing politique, qui est un artefact grossier de l’opinion publique. Toujours est-il que l’emprise des médias et des sondages correspond à ce que nombre d’auteurs nomment la « démocratie d’opinion ».Cette notion désigne la tendance de la démocratie à se faire directe et individualisée. La publicité (au sens de Kant) moderne, au contraire, fonde le caractère représentatif des démocraties, c’est-à-dire fonde le débat. La démocratie d’opinion, considéré par ses partisans comme une forme de plus-value démocratique, est en réalité la forme dégénérée de la démocratie car elle entend comme légitime que chaque membre du corps politique soit omniprésent dans l’espace public : tout le monde doit tout savoir pour avoir un avis sur tout.

 L’information, dans le modèle de la démocratie d’opinion, entend être totale, les individus capables de s’exprimer sur tous les sujets, le pouvoir exposé en permanence dans l’espace public. Les défenseurs de la démocratie d’opinion font des sondages le principal levier d’action du politique. Ainsi, Monique Dagnaud, ex-membre du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), affirme que « les sondages interviennent comme garde-fou, comme instrument de bord dans le pilotage gouvernemental » .

Politique et opinion publique


La démocratie d’opinion s’ajuste sur les sondages, lesquels ne sont qu’une représentation faussée de l’opinion publique, une pure somme des opinions privées. Et quand bien même seraient-ils fidèles à la réalité de l’opinion publique, il reste à se demander si l’action politique peut s’indexer, de manière immédiate, sur elle. Est-il possible et souhaitable que l’action politique s’ajuste sur l’opinion publique ? Derrida répond doublement non :

« Celle-ci [la représentation politique] ne lui [l’opinion publique] ne sera jamais adéquate, elle respire, délibère et décide à d’autres rythmes. On peut aussi redouter la tyrannie des mouvements d’opinion. La vitesse, ‘’au jour le jour’’, même dans la ‘’longue durée’’, affecte parfois la rigueur de la discussion, le temps de la ‘’prise de conscience’’, avec des retards paradoxaux de l’opinion sur les instances représentatives » .

Ainsi, la démocratie d’opinion, consacrant le principe de transparence, s’oppose à la démocratie représentative, fondée sur le principe de publicité. Dans un brillant article sur la démocratie d’opinion, Olivier Mongin, dans un article publié par la revue Esprit concluait à sa double nocivité : « en raison de l’illusion qu’elle laisse planer d’une société qui se connaîtrait mieux elle-même d’une part, et en raison de la mise à mort de l’action politique qu’elle provoque d’autre part » .

Avec la démocratie d’opinion, le public perd sa fonction critique pour adopter un comportement acclamatif, a-politique, il n’est, à vrai dire, plus un public, mais une masse passive. Habermas dit de l’opinion publique qu’elle est devenue

« l’instance ‘réceptrice’ de la publicité de démonstration et de manipulation, vantant des biens de consommation, des programmes politiques, des institutions » .

Démocratie d’opinion et dépolitisation


L’opinion publique s’est ainsi dépolitisée pour devenir consumériste et attentiste. Le regroupement des personnes privées en public n’a plus pour fonction de participer au pouvoir, mais d’acclamer les organisations, privées ou publiques, qui se substituent à lui. Il n’assure plus la médiation entre la société et l’Etat, puisque ce rôle est assigné aux partis et aux associations. La communication n’est plus horizontale, c’est-à-dire entre membres du public, qui permettait la discussion, mais uniquement verticale et non-réciproque, allant du pouvoir vers le public, ce qui entraîne la manipulation. Le public s’est donc vassalisé, lié au pouvoir, au lieu de s’y opposer.

En résumé, la démocratie d’opinion désigne un modèle de régime dans lequel la transparence doit être totale, mais elle a pour contrepoids l’exposition permanente du public des citoyens, avec les risques de manipulation qu’il en résulte.

Les médias contribuent-ils au débat démocratique ?

 

http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/citoyen/enjeux/media-democratie/medias-contribuent-ils-au-debat-democratique.html

 

Quelques dates clés

26 août 1789 : L’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen proclame : "La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi".

29 juillet 1881 : En France, loi sur la liberté de la presse. Suppression de tout régime préventif, abandon du délit d’opinion et disparition de la censure.

18 novembre 1936 : Suicide de Roger Salengro, ministre de l’Intérieur du Front populaire, suite aux attaques de L’Action française et de Gringoire sur son action pendant la Première Guerre mondiale et ses origines juives.

29 juillet 1982 : En France, loi sur la communication audiovisuelle posant le principe de la liberté de l’audiovisuel. La loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication est venue compléter et renforcer ce dispositif.

16 avril 1987  : En France, privatisation effective de la 1ère chaîne de télévision publique (TF1), annoncée le 14 mai 1986. L’État vend 50 % au groupe Bouygues.

17 janvier 1989  : Une loi crée le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Cette autorité administrative indépendante garantit l’exercice de la liberté de communication audiovisuelle.

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