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Knock on Wood

l'Occident s'est il perdu ? Has the West Lost it?

24 Avril 2019 , Rédigé par Ipsus Publié dans #Dans L'AIR DU TEMPS, #GEOPOLITIQUE, #ASIE

Après deux siècles d’hégémonie sans partage, la domination occidentale sur le monde a pris fin au début du xxie  siècle. Un nouvel ordre global se fait jour, dans lequel la Chine et l’Inde sont les deux premières puissances économiques. Comment l’Occident doit-il réagir à son nouveau statut  ?
Avec recul, clarté et franchise, Kishore Mahbubani démontre que ce n’est qu’en acceptant ce phénomène, et en cherchant à influencer le monde par la diplomatie plutôt qu’à le dominer par son interventionnisme, que l’Occident pourra conserver un rôle clé dans la géopolitique des temps futurs. S’il ne met pas en œuvre cette stratégie, il sera perdu – parce qu’il se sera perdu.

Une réflexion autour de la domination occidentale soulignant les erreurs commises par les élites américaines et européennes depuis 1991 : invasion de l'Irak, humiliations envers la Russie, interventionnisme à outrance. Face à l'émergence de nouvelles puissances, l'auteur préconise une diminution des ingérences extérieures, un rôle étendu des instances globales et la fin des idéologies dogmatiques. 
 
 

Kishore Mahbubani est professeur à l’université de Singapour. Il est actif dans plusieurs institutions en Asie, en Europe et en Amérique du Nord. Il publie dans de nombreux magazines et revues comme le Financial Times*,* Time*,* Newsweek*. Il est l’auteur de livres à diffusion internationale dont* Can Asians Think? (1998), qui a fait date, et, chez Fayard, du Défi asiatique (2008).

l'Occident s'est il perdu ?  Has the West Lost it?
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2019
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l'Occident s'est il perdu ?  Has the West Lost it?

Nous rentrons dans une nouvelle ère de l’histoire mondiale, marquée par deux caractéristiques majeures. La première est que nous allons voir la fin de la domination occidentale sur l’histoire mondiale (en notant toutefois que la fin de cette domination ne signifie pas la fin de l’Occident). La seconde est que nous allons assister au retour de l’Asie. La raison pour laquelle on peut parler de retour de l’Asie est que les deux plus grandes puissances économiques mondiales depuis les débuts de notre ère, et jusqu’en 1820 environ, étaient la Chine et l’Inde. C’est pourquoi, si elles devenaient à nouveau les deux plus grandes puissances économiques d’ici 2050 (ou probablement avant), nous retournerions simplement à la situation qui prévalait durant les deux derniers millénaires. Et les quelque deux cents ans de domination occidentale sur le monde nous apparaîtraient alors comme un simple accident de l’histoire.

Il est important d’expliquer, spécialement à un public occidental, pourquoi la montée en puissance de l’Asie ne va pas s’arrêter. La plupart des hommes politiques et des commentateurs fondent leurs jugements et adoptent des décisions en fonction de grilles de lectures de la situation du monde. Malheureusement, beaucoup d’esprits occidentaux influents continuent de croire que les grilles de lecture héritées de la période de domination occidentale sur l’histoire du monde restent pertinentes alors même que cette période est en train de s’achever.

L’ascension de l’Asie est désormais inévitable, pour plusieurs raisons. Premièrement, beaucoup de sociétés asiatiques finissent maintenant par réussir après des siècles de contre-performances parce qu’elles ont finalement compris, intégré et mis en application les sept piliers de la sagesse occidentale. En conséquence, les économies asiatiques croissent à une vitesse incroyable ; une vitesse sans précédent historique. Larry Summers, l’ancien secrétaire au Trésor américain, explique que ce qui arrive de nos jours en Asie est une réplique de ce que l’Ouest a déjà connu durant la révolution industrielle, quand les populations occidentales ont soudain vu une forte augmentation de leurs conditions de vie. Toutefois, à l’époque, ces populations ne connurent qu’une augmentation de 50 % à l’échelle d’une vie humaine. Aujourd’hui, sur une échelle équivalente, les populations asiatiques connaissent une augmentation de 10 000 %. Une fois que les hommes politiques occidentaux auront pris conscience de ces chiffres, ils commenceront aussi à s’apercevoir de l’urgence du changement à effectuer.

Deuxièmement, la croissance économique rapide des sociétés asiatiques et les changements sociaux incroyables qui ont suivi (y compris l’augmentation spectaculaire des classes moyennes asiatiques) ont transformé l’esprit des Asiatiques. Il y a eu une explosion de la confiance culturelle, une explosion à échelle atomique. Une des raisons pour lesquelles, avant, beaucoup de sociétés asiatiques ne s’en sortaient pas très bien, était liée au fait que les populations restaient mentalement colonisées bien après la fin de la colonisation effective. Cette colonisation mentale a finalement disparu. Actuellement, beaucoup de jeunes Asiatiques pensent que leurs sociétés peuvent réussir autant, sinon mieux, que les autres sociétés. Cette confiance en soi renforce le cycle vertueux de la croissance économique entamé par nombre de sociétés asiatiques.

Troisièmement, les dirigeants asiatiques ont su tirer des leçons, négatives et positives, des rapports de force géopolitiques. Ils ont conscience que l’ascension des nouvelles puissances européennes au XIXe siècle a conduit à des tensions et des conflits. Beaucoup d’analystes occidentaux ont prédit que le passé de l’Europe (la guerre) deviendrait le futur de l’Asie. Jusqu’à présent, les puissances asiatiques l’ont évité. Au lieu de cela, elles approfondissent et renforcent les processus de coopérations régionales. De façon également importante, l’Europe a fourni à l’Asie de précieuses leçons, très bénéfiques. Dans l’histoire récente, le plus grand exploit de la civilisation a été la capacité des Etats-membres de l’Union européenne à parvenir à créer une perspective de paix durable, alors que les mêmes Etats européens se sont affrontés pendant des siècles. Les Etats asiatiques aussi aimeraient transférer cet exemple positif européen en Asie. Et s’ils peuvent éviter la guerre et les conflits, ils auront vaincu le plus grand obstacle susceptible d’empêcher l’ascension de l’Asie.

En lisant ceci, un lecteur de l’Ouest s’imaginera probablement que toutes les régulations et institutions de la gouvernance mondiale devront être radicalement remaniées afin de s’adapter à la montée en puissance de l’Asie. Cependant, l’impact de l’Asie sur la gouvernance mondiale ne sera pas des plus simples. Grâce à leur ascension économique significative, les Etats asiatiques sont devenus les plus grands bénéficiaires de l’ordre mondial institué en 1945. Par conséquent, ils n’ont aucune envie d’un changement révolutionnaire : le meilleur exemple de cet état d’esprit est fourni par l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Toutefois, il est clair également que les pays d’Asie espèrent voir des changements radicaux dans la gestion et le contrôle de ces institutions internationales. Une loi tacite mais prévalente assure à la tête du FMI une personnalité européenne, et américaine pour la Banque Mondiale. Le bon sens demanderait que cette règle soit abandonnée.

Il y a quelques principes fondamentaux sur lesquels les Asiatiques se doivent d’insister. L’un d’eux est le principe d’équité, ou plus précisément, le principe de représentation équitable. Pour que les institutions mondiales préservent leur légitimité et leur efficacité au XXIe siècle, il est important que leur composition reflète les nouvelles réalités démographiques, politiques et économiques de la planète. Il ne fait aucun doute par exemple que l’Europe est très fortement surreprésentée dans de nombreux secteurs clés au sein des organismes mondiaux. Bien que la population européenne ne représente que 12 % de la population mondiale, et la part de l’Union européenne dans le PNB mondial 17 %, les membres de l’Union s’approprient 32,08 % des voix à l’intérieur du FMI. Les trois petits pays du Benelux totalisent à eux seuls 4,57 % des voix, soit plus que les 3,66 % alloués à la Chine, alors que celle-ci représentera bientôt la seconde économie de la planète. Le chemin sera long avant d’arriver à une répartition équitable mais les Asiatiques savent se montrer patients.

Le second principe fondamental est le principe d’universalité. Les Etats asiatiques exigent qu’il n’y ait pas deux poids, deux mesures. Prenons un exemple récent. Pendant longtemps, les Etats-Unis ont poussé différents groupes de défense des droits de l’homme à soumettre des résolutions pour faire condamner les violations de ces droits dans différents pays. Ils étaient capables de le faire parce qu’ils avaient, dans l’ensemble, une solide réputation concernant le respect des droits de l’homme. Toutefois, les Etats-Unis ont perdu toute leur autorité morale après avoir autorisé l’utilisation de la torture à Guantanamo. De même, l’Union européenne l’a perdue parce qu’aucun de ses Etat-membres n’était prêt à condamner officiellement les Etats-Unis. Pour résumer, la période où l’Occident pouvait faire la leçon aux états asiatiques sur les droits de l’homme au sein de l’ONU, est révolue.

Le troisième principe fondamental pour mettre en place les réformes est d’encourager la prévision et la stabilité de l’ordre international. Comme les Etats asiatiques deviennent les plus grands défenseurs de l’ordre régulateur institué en 1945, ils désirent voir le renforcement, plutôt que l’affaiblissement d’un nouvel ordre mondial. En conséquence, ils souhaitent voir émerger un monde où de plus en plus de traités et de conventions seront négociés et acceptés par tous les pays. L’Amérique et l’Europe ont beaucoup à apprendre de cette approche pragmatique de l’Asie dans les relations internationales. En fait, le monde entier pourrait devenir un endroit plus sûr si l’Ouest pouvait apprendre à manier les pratiques asiatiques.

Traduit de l’anglais par Eric Delvallée

Kishore Mahbubani Professeur de sciences politiques à la Lee Kuan Yew School of Public Policy, Université de Singapour.

l'Occident s'est il perdu ?  Has the West Lost it?
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